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    Roman de gare : Rencontre avec Claude Lelouch

    Au Festival de Cognac, où il était Président du jury, Claude Lelouch a accepté, juste après les délibérations, de répondre à quelques questions concernant son nouveau film, "Roman de gare". Interview.

    AlloCiné : Vous semblez considérer "Roman de gare" comme un nouveau "premier film"...

    Claude Lelouch : J'ai fait ce film comme on fait un premier film. On a pris tous les risques : artistiques, financiers. On est allé au bout du délire, dans la mesure où la contrainte sollicite toujours l'imagination. Après la sortie de mes derniers films, j'étais acculé, et il fallait que je prenne tous les risques. Sur le tournage, on se disait toujours : ça passe ou ça casse. Tout le monde a joué le jeu. J'ai demandé aux acteurs de prendre des risques, et c'était pareil à tous les niveaux, les décors, le financement, jusqu'à la sortie aujourd'hui : on n'a pas un grand distributeur derrière nous. C'est moi qui distribue le film, qui l'ai produit. C'est le voyage d'une grande solitude. J'espère que cette solitude va faire plaisir à beaucoup de gens.

    Vous êtes revenu à une plus grande simplicité...

    J'avais envie de faire un film très simple et aussi un hommage à tous les films qui donnent du plaisir. Tous ces films qu'on va voir uniquement pour oublier les emmerdes, pour être dans la julibation, le rire, les larmes et la chair de poule. Tous ces films qui font que le cinéma est un art populaire, et peut-être l'art préféré des gens.

    La littérature est au coeur de "Roman de gare", comme de nombreux films français récents ("Les Ambitieux", "Odette Toulemonde", "La Fille coupée en deux"...). Quelle place occupe-t-elle pour vous ?

    Le titre du film, Roman de gare, est un hommage à Romain Gary. Quelque part, c'est aussi un hommage à la littérature. J'ai construit ma vie sur l'amour que je porte aux gens, aux images, aux mots et à la musique, et ce film mélange ces 4 passions. C'est un film qui parle du roman : c'est à travers la littérature qu'on peut le plus se dissimuler. Il y a eu énormément de nègres : on n'imagine pas le nombre de gens qui ont signé des bouquins sous des pseudonymes. C'est un sujet qui m'intéressait, et c'est pour ça que moi-même je me suis caché sous un pseudonyme. Etre écrivain moi-même ? Si je n'avais pas eu l'image à ma disposition, il est probable que cela m'aurait plu. Le cinéma correspond plus à mon fonctionnement naturel, mais j'aime la liitérature, les mots, les phrases, et surtout les dialogues.

    Quel regard portez-vous sur la vogue des films choraux, vous qui êtes un des pionniers du genre ?

    Le cinéma choral est celui qui ressemble le plus à l'Humanité. Nous sommes tous dans un film choral. Il y a une chorale de six milliards d'individus sur la Terre et chacun de nous essaie de chanter le plus fort.. Donc c'est normal qu'il y ait ce type de films. C'est vrai qu'aujourd'hui nos petites histoires individuelles ne peuvent se réaliser que grâce aux

    histoires des autres. Il y a des rivières souterraines entre toutes ces histoires, entre ces six milliards d'individus. Ces rivières souterraines sont très photogéniques, donc je comprends tout à fait l'engouement pour les films choraux. Et c'est vrai qu'avec Les Uns et les autres, j'ai été un des tout premiers à faire ça.

    A propos de chorale, j'ai ouï dire que vous aviez un projet de comédie musicale ?

    La musique a toujours été un acteur important dans mes films et un jour j'aimerais qu'elle ait le rôle principal. Ca fait 50 ans que je me prépare pour ce film, je pense que je vais arriver bientôt à le formuler.

    Nous sommes ici au Festival de Cognac, l'occasion d'évoquer quelques souvenirs de Festivals...

    Pour mon premier Festival de Cannes, j'étais militaire, j'entrais par la sortie de secours parce que je n'avais pas d'cacréditation... Après, ça été la Palme d'or en 1966... Puis j'ai eu la chance d'aller dans pas mal de festivals, j'ai été primé à Venise, Mar del Plata...

    Les festivals sont des endroits où on voit beaucoup de films, et où on les voit mieux. Mon expérience de juré à Cannes s'est assez mal terminée puisque j'ai donné ma démission : je ne voulais pas votre pour un film pour lequel on me forçait à voter [il s'agissait de Blow Up en 1967]. Ensuite, j'ai souvent été président de jury, 5 ou 6 fois. C'est la première fois que je viens au Festival du film policier de Cognac, qui existe depuis 25 ans. Mais je viens avec deux casquettes, à la fois comme Président du jury et pour présenter mon dernier film, Roman de gare, qui est un polar. Mais, comme un train peut en cacher un autre, c'est aussi plein d'autres choses...

    Recueilli à Cognac le 24 juin par Julien Dokhan

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