Mon compte
    "Pater" : Quand Vincent Lindon jette la promo par terre...

    AlloCiné a rencontré Vincent Lindon pour parler de "Pater" d'Alain Cavalier, oeuvre minimale et magistrale, ovationnée au dernier Festival de Cannes. Pour ce film qui ne ressemble à aucun autre, voici une interview vraiment pas comme les autres...

    Acte I : Un vendredi après-midi, on a rendez-vous avec Vincent Lindon dans un hôtel du VIe arrondissement à l'occasion de la sortie de Pater. On est ravi, et curieux, de rencontrer un des comédiens les plus énigmatiques (quoi qu'il en dise) du cinéma français, riche de ses paradoxes : une "force tranquille" que vient contrarier une manière d'être en permanence sur le qui-vive ; un côté "les deux pieds dans la terre" qui inspire pourtant nos cinéastes les plus rêveurs (Thomas, Jolivet, Serreau...) Au moment où sort Pater d'Alain Cavalier (une oeuvre hors normes qui parle de politique, mais aussi du métier d'acteur), on a donc envie de revenir avec lui sur le chemin parcouru. Histoire de rester dans l'esprit de ce film ludique et politique, on a composé un gouvernement imaginaire, chacun des ministres étant un des réalisateurs marquants qui l'ont dirigé (Lioret aux affaires sociales, Thomas à la famille, Jacquot à la culture, etc.). Le petit jeu étant un prétexte pour évoquer ses souvenirs d'acteur-cinéphile-citoyen... Dans un premier temps, nous parlons de Pater, puis nous passons à la deuxième partie de l'interview. D'abord sceptique, l'acteur se montre finalement séduit, amusé, parfois même ému, et se prête au jeu. Lorsque l'entretien s'achève, au bout d'une grosse demi-heure, Vincent Lindon nous confie qu'il n'est pas très satisfait de sa prestation (fatigue, manque d'énergie), et propose que nous nous revoyions la semaine suivante pour tout recommencer.

    Acte II : Le mardi, Vincent Lindon arrive dans les locaux d'AlloCiné pour une "deuxième prise". Ayant déjà eu affaire à notre interlocuteur quelques jours plus tôt, on est forcément un peu moins anxieux. On est aussi assez épaté, reconnaissons-le, par ce comédien qui pousse si loin le souci du travail bien fait. Mais on est aussi plus embarrassé par cette situation inhabituelle : il s'agit de reposer les mêmes questions, de jouer au même jeu, tout en s'efforçant de préserver une certaine spontaneité. On (re)commence donc par les questions concernant Pater. Et là, déjà, quelque chose nous intrigue : à ces questions qu'il a déjà entendues vendredi, il répond de manière parfois totalement opposée à ce qui avait été dit la première fois. Il cherche manifestement à désarçonner l'intervieweur -c'est réussi. Mais l'entretien reste dans un cadre très classique : l'acteur nous parle du film (excellent, en l'occurrence...) dans lequel il joue. Voici un montage de cette interview "traditionnelle" à propos d'un film qui l'est très peu...

    Acte III : On passe ensuite à la partie "gouvernement" : après avoir réagi, avec moins de conviction que la première fois, aux premières propositions (pour chaque ministre, on passe à Vincent Lindon une feuille sur laquelle figure le nom du réalisateur, son "poste" et une photo), il nous dit qu'il veut arrêter, qu'il en a assez, car parler de sa carrrière ne l'intéresse pas. C'est là que commence la vidéo ci-dessous...

    Alors évidemment, au terme de cette conversation, on peut s'interroger. Acteur visiblement sincère, qui pose des questions passionnantes, Vincent Lindon reste un acteur. S'agit-il d'un happening, d'un authentique ras-le-bol, d'une intervention préparée ? C'est justement ce qui fait le prix d'un tel moment : comme on ne sait pas exactement où on est, il va bien falloir que notre conscience reste en éveil... Bien sûr, on pourra dire que cette façon de dénoncer la promotion, dans le cadre de la promotion, est aussi une manière fûtée de faire de la promotion...

    Avoir été dans la peau d'un Premier ministre pour Alain Cavalier aurait-il fait naître chez Vincent Lindon un goût du pouvoir ? Il n'est en tout cas pas anodin que le comédien ait souhaité s'exprimer ainsi au moment où sort Pater, film, on le répète, aux allures de vaste terrain de jeu : au fond, s'il s'amuse à déstabiliser gentiment l'intervieweur, ce grand amateur de métaphores sportives a surtout souhaité bousculer les règles d'un jeu (la promo). C'est rarement confortable, mais souvent salutaire. On l'en remercie, donc. Au nom du Pater.

    Julien Dokhan

    FBwhatsapp facebook Tweet
    Commentaires
    Back to Top