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    Love interdit aux moins de 18 ans : le droit de réponse de l'association Promouvoir

    Au lendemain de la prise de parole de Vincent Maraval, André Bonnet, avocat de l'association Promouvoir, a souhaité prendre la parole sur l'interdiction de Love aux moins de 18 ans. Nous lui avons accordé un droit de réponse.

    Rappel des faits : Il y a deux jours, nous apprenions l'interdiction de Love de Gaspar Noé aux moins de 18 ans, par le Tribunal Adminstratif de Paris, suite à une action en justice de l'association Promouvoir. Afin d'en savoir plus sur les conséquences de cette interdiction, qui intervient trois semaines après la sortie du film, AlloCiné avait contacté Vincent Maraval, producteur et distributeur de Love, avec sa société Wild Bunch, dont nous avons publié l'entretien hier matin. Quelques heures après la mise en ligne de ce texte, André Bonnet, porte-parole de l'association Promouvoir, a sollicité AlloCiné pour s'exprimer sur le sujet afin d'exposer les raisons et ressorts de ces interdictions. Nous avons accepté sa proposition, dans les mêmes conditions que Vincent Maraval, à savoir un entretien en 5 questions, par mail, sans coupe.

    AlloCiné : Pour quelles raisons pensez-vous que Love méritait une interdiction plus sévère que celle décidée par la Commission de classification des films, à savoir moins de 16 ans avec avertissement ?

    André Bonnet, Avocat au barreau de Marseille, et porte-parole de Promouvoir : Parce que c’est tout simplement le droit applicable, rappelé clairement, à propos de la violence, par le Conseil d'Etat dans sa décision de principe du 1er juin 2015 sur Saw 3D, qui a donné raison à l’association « Promouvoir » ! Car ce qui vaut pour la grande violence vaut également pour les scènes de sexe non simulées : le code du cinéma et de l'image animée prévoit de manière très claire que lorsqu’un film comporte de telles scènes (pornographiques, au sens de « montrer de manière rapprochée et précise des actes sexuels, avec organes sexuels en action »), il doit être interdit aux moins de 18 ans par simple application de l’article 227-24 du code pénal. Si, au surplus, il est réalisé sans autre intention que d’exciter sexuellement le spectateur, il doit être classé en X. Le reste n’est que désinformation.

    Le code du cinéma et de l'image animée prévoit de manière très claire que lorsqu’un film comporte de telles scènes (pornographiques, au sens de « montrer de manière rapprochée et précise des actes sexuels, avec organes sexuels en action »), il doit être interdit aux moins de 18 ans

    Le film Love entre évidemment dans la première catégorie, même si, à la réflexion, compte tenu de la faiblesse insigne du scénario et des longs soliloques soporifiques du personnage principal, le classement en X aurait également pu être envisagé (n’oublions pas que le film a été hué à Cannes, par des professionnels qui en ont pourtant vu d’autres).

    Dans le cas présent, de nombreuses scènes de sexe, outre leur caractère cru, sont objectivement dégradantes, notamment pour des mineurs (notamment la scène de fellation ratée du « travelo », qui est, telle qu’elle est traitée par le cinéaste, attentatoire à la dignité humaine, la scène de l’orgie échangiste, celle de l’éjaculation filmée en gros plan avec l’intention de donner au spectateur 3D l’impression qu’il reçoit le sperme au visage). La scène de triolisme (aussi poussée que possible, plus de 7 minutes) avec une jeune fille de 17 ans peut être également gravement perturbante pour des mineurs, fussent-ils âgés de 16-17 ans.

    Je note au passage, compte-tenu de la formulation de votre question, qu’une grave confusion existe : c’est le Ministre qui classe, pas la commission. Celle-ci se borne à donner un avis. Malheureusement, le Ministre se laisse subjuguer par des pressions extrêmement fortes d’une partie de la presse et d’un microcosme parfois parasite qui ne vit que des aides financières du CNC. La commission elle-même n’est pas au-dessus de tout soupçon : ses présidents sont très impliqués politiquement, et certains de ses membres nommés de manière souvent opaque. Il est étonnant de penser que l’actuel président, M. Mary, est l’ancien responsable de la communication à l’Elysée sous Mitterrand, nommé au Conseil d’Etat en catastrophe juste avant la défaite socialise de 1995, et que son prédécesseur (Mme Hubac) était conseiller personnel de M. Hollande jusqu’en décembre dernier…

    Après Saw 3D et 50 Nuances de Grey, c’est déjà le troisième film en quelques mois à être visé par Promouvoir. Comprenez-vous que ces actions rapprochées peuvent laisser penser à une forme d’acharnement contre une certaine forme de cinéma ?

    Vous oubliez La Vie d’Adèle et les deux Nymphomaniac. Toutefois, ce n’est pas comme cela que se pose la question : en réalité, depuis une quinzaine d’années des réalisateurs sans scrupules veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public (ils le reconnaissent eux-mêmes : voyez par exemple Lars Von Trier, qui a même créé sa propre production pornographique).

    Ils n’ont pas admis la loi de 1975 et le « repli » du X sur les sexshops, circuits DVD et sur Internet. Ce cinéma se donne pour but avoué, souvent, de participer à la destruction des structures sociales et familiales au nom d’un libertarisme sans limite (« Quoi de mal à montrer sa bite, tout le monde a une bite » s’exclamait encore Gaspar Noé ce 4 août sur BFMTV). Et il vise justement les mineurs, à la manière de Valmont dans les « Liaisons dangereuses » de Laclos, c’est-à-dire avec cette sorte de vertige que donne la perversion des plus jeunes. Alors, oui, si un réalisateur décide de recourir à cette pratique, il doit savoir que seuls des adultes seront autorisés à voir son film. Le problème pour lui est que, financièrement, l’aide du CNC et la rémunération par la télévision seront en chute libre : c’est donc d’abord une affaire de gros sous, et c’est ce qui explique la réaction de M. Maraval.

    Depuis une quinzaine d’années des réalisateurs sans scrupules veulent réintroduire la pornographie dans les circuits de diffusion grand public

    Vincent Maraval, justement, dans l’entretien qu’il nous a accordé, explique : "Il ne faut pas croire que cette interdiction va empêcher les jeunes d'aller voir le film, bien au contraire il va devenir un objet de curiosité que les jeunes se procureront d'autant plus en pirate. (…) Que personne ne s'étonne dans ce cas-là pourquoi les films traitant du sexe sont cheap et à petit budget. Ils sont économiquement condamnés à ça." Ne pensez-vous pas faire davantage la publicité des films auxquels vous vous attaquez ?

    Si c’était le cas, M. Maraval applaudirait à notre action. Non, l’action de l’association a un effet direct : elle bloque le financement a posteriori du film, qui ne devra vivre que des recettes et subsides des films pour adultes (ce qui est normal puisque c’est à eux seul qu’il s’adresse). Or les adultes en ont vu d’autres et ce n’est donc pas eux qui apporteront les ressources nécessaires.

    On voit bien dès lors que la cible prioritaire ce sont les jeunes, qui ne sont pas (encore) blasés, qui sont encore mus par la curiosité sur les choses du sexe, et qui seront d’autant plus tentés par Love qu’on leur aura répété (à tort) qu’il s’agit d’une œuvre d’art et pas de X.

    Atteindre la jeunesse pour arrondir les recettes, cette dernière finançant elle-même… ce qui lui est néfaste

    C’est là le caractère intrinsèquement malsain de cette affaire, que l’on tente de cacher derrière des rideaux de fumée : atteindre la jeunesse pour arrondir les recettes, cette dernière finançant elle-même… ce qui lui est néfaste. On s’étonne ensuite d’entendre tant de jeunes dire qu’ils ne croient pas à l’amour avec un grand A et que leur taux de suicide soit en augmentation constante…

    ==> Depuis Baise-moi, ces films ont été interdits aux moins de 18 ans

    Quelles sont les autres activités et succès de l’association Promouvoir en dehors du cadre cinématographique ?

    L’association a obtenu la condamnation de plusieurs revues qui proposaient des vidéos pornographiques sous couvert de jeux vidéo classiques « (« Micro-revue », « PC loisirs », par exemple). Elle a également fait condamner la FNAC d’Avignon pour proposition de BD pornographiques juste à côté de « Johan et Pirlouit », les « Schtroumpfs » ou « Tintin ». Elle a également attaqué le livre de pédophilie extrême publié par Skorecki (journaliste à Libération) sous le titre « Il entrerait dans la légende ».

    Ce ne sont que quelques une de ses actions et sans doute en oubliè-je, ayant été éloigné de l’association durant près de 12 ans. Il faudrait signaler aussi ses actions de promotion de la beauté - poésie, théâtre et musique.

    Wild Bunch

    D’aucuns doutent de l’existence officielle de votre association (cf un article de ce fanzine). Que leur répondez-vous ? Nous-mêmes avons eu du mal à trouver beaucoup d’informations sur votre association sur Internet. Pouvez-vous nous présenter l’association en quelques mots (quand a-t-elle été créée, qui en est le Président, combien d'adhérents, comment se joindre à Promouvoir) ?

    Je suis simplement le conseil de l’association, depuis 2013, date de ma démission de mes fonctions de président de tribunal (pour objection de conscience), de même que je suis le conseil de l’ADH (Action pour la dignité humaine, 48 rue de la Charité, Lyon).

    « Promouvoir » existe bel et bien et comporte plusieurs centaines d’adhérents et sympathisants

    Mais je vous rassure, « Promouvoir » existe bel et bien et comporte plusieurs centaines d’adhérents et sympathisants (des familles avec enfants, souvent modestes, et des étudiants, le plus souvent). Elle a désormais 19 ans d’ancienneté. Elle dispose de deux boîtes postales auxquelles tout le monde peut écrire (BP 48, 84210 Pernes les Fontaines – BP 17, 84850 Camaret sur Aigue).

    Elle disposait d’un site internet fourni il y encore peu de temps mais on m’a expliqué qu’il était attaqué régulièrement (par des militants de la démocratie, j’imagine) et qu’une nouvelle formule sécurisée était à l’étude.

    Quant à la discrétion de ses membres, elle s’explique par des expériences douloureuses avec de trop nombreux journalistes dépourvus de déontologie (notamment à Radio-France). L’article que vous citez est d’ailleurs significatif de malveillance et de désinformation : les statuts sont librement disponibles, ils sont déposés depuis belle lurette, et les récépissés préfectoraux sont produits devant les juridictions. C’est pourquoi décision a été prise de laisser la parole à l’avocat, dont il est espéré qu’il saura mieux déjouer les chausse-trappes de gens par trop malintentionnés.

    Sur le papier, Love devrait être interdit aux moins de 18 ans, mais...

     

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