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    Beasts of No Nation sur Netflix : "Il s‘agissait pour moi de mettre un visage sur ces enfants soldats"
    Clément Cusseau
    Clément Cusseau
    -Rédacteur
    Après des études en école de cinéma, il intègre la rédaction d’AlloCiné en 2011. Il est actuellement spécialisé dans les contenus streaming et l’actualité des plateformes SVOD.

    A l'occasion de la diffusion en exclusivité sur Netflix de Beasts of No Nation, nous avons pu rencontrer le réalisateur Cary Fukunaga et discuter de ce film au sujet si fort. Découvrez sans plus attendre cet entretien !

    Révélé en 2009 par la présentation au Festival de Deauville de son premier long-métrage Sin Nombre, puis par son adaptation du classique littéraire Jane Eyre, Cary Fukunaga a acquis une notoriété internationale en signant la mise en scène des huit épisodes de la première saison de True Detective. Un travail salué aussi bien par la critique que par les téléspectateurs.

    C'est peu dire dès lors que son nouveau film, Beasts of No Nation, était très attendu par les cinéphiles du monde entier. Disponible en exclusivité depuis le 16 octobre sur Netflix, ce long métrage a été présenté en personne par le cinéaste lors du Netflix Fest à Paris. L'occasion pour nous d'aller à sa rencontre et d'évoquer avec lui ce long métrage traitant du lourd thème des enfants soldats.

    Comment avez-vous entendu parler de cette histoire et qu’est-ce qui a convaincu d’y consacrer un film ?

    Cary Fukunaga : J’ai travaillé sur un scénario consacré aux enfants soldats pendant cinq ans avoir de découvrir l’existence de ce roman. Un ami me l’a offert et dès que je m’y suis plongé, j’ai été captivé par le récit d’Agu et la portée tragique de ce personnage. J’ai immédiatement imagé le film qui pourrait en découler. Je me suis alors procuré les droits du livre au moment même où je vendais mon premier scénario, Sin Nombre.

    Avez-vous tourné le film pour éveiller les consciences collectives au sujet de ces enfants forcés à combattre en Afrique ?

    Pas simplement en Afrique, ce serait la même chose en Amérique latine, au Proche-Orient, en Ukraine, en Asie… Les enfants sont similaires partout dans le monde, ils sont emplis de curiosité et ils s’empreignent de tout ce qu’ils voient. C’est déchirant de les voir se battre pour leur survie, comme c’est le cas actuellement pour les réfugiés en Syrie ou en Ukraine, voire à prendre part aux combats. Il s‘agissait donc pour moi de mettre un visage sur ces enfants et de leur donner corps, et non pas de lire ces faits dans un entrefilet de journal.

    Certaines scènes du film ont un aspect documentaire. Cette recherche du réalisme est-elle pour vous la meilleure des manières pour filmer un tel sujet ?

    Non pas vraiment. Assurer à la fois les fonctions de réalisateur et de directeur de la photographie s’est imposé très vite comme une nécessité, car les décors dans lesquels nous filmions nous imposaient de travailler avec une équipe réduite, capable de tourner très rapidement. Cela a ses avantages, parmi lesquels un résultat très réaliste mais cela peut également être une source de distraction donc ce n’est pas forcément la meilleure des manières pour aborder le sujet.

    Quel élément a représenté le plus gros défi au cours du tournage ?

    J’ai toujours respecté les réalisateurs qui se chargent également de l’aspect technique de leurs films, par exemple Steven Soderbergh dont le film Traffic m’avait à l’époque beaucoup impressionné, aussi bien pour l’orchestration des différentes histoires du film que pour la qualité des images qu’il avait signées lui-même. J’ai toujours été intéressé par le métier de directeur de la photographie, j’ai tourné plusieurs films à ce poste et donc après True Detective, je me suis dit que tourner un film de deux heures serait une partie de plaisir. Bien évidemment, j’avais tort. Cela a été une expérience formidable, aussi bien en tant que réalisateur que comme directeur de la photographie.

    Concernant la réalisation, nous ne sommes jamais sûrs de rien et il faut toujours évaluer la faisabilité de nos idées. Car si on ne doute jamais, il n’y a jamais de challenge interne et ce serait impensable pour moi de faire quelque chose qui ne serait pas une manière de me défier sur mes capacités de metteur en scène.

    Beasts of No Nation est un film original Netflix. Pensez-vous que ce format lui offre une visibilité plus importante que s’il est sorti en salles ? Et comment Netflix peut changer l’industrie du cinéma avec cette nouvelle exposition des films ?

    C’est un fait avéré qu’ainsi le film a la possibilité de toucher un public plus large. Quant à révolutionner l’industrie du cinéma, je ne sais pas encore si cela sera le cas mais il y a définitivement le potentiel de changer les choses, tout simplement parce que l’industrie du cinéma repose sur les résultats au box-office alors que Netflix fonctionne différemment. C’est une différence essentielle.

    Idris Elba était-il votre premier choix ? Quel genre d’acteur est-il sur un plateau de tournage ?

    Il a été mon premier et unique choix pour le rôle. Sur le plateau, étant à la fois réalisateur et directeur de la photo, j’étais impliqué dans tous les domaines. C’est un grand professionnel et quand il arrivait le matin sur les lieux du tournage, nous parlions de ce que nous allions tourner et des éventuelles questions qu’il avait sur son personnage, puis il se mettait dans la peau du Commandant pour livrer une performance exceptionnelle. Idris est quelqu’un de très impliqué, et je sais que ce rôle représentait un véritable défi pour lui, notamment en raison des choix faits par son personnage qui ont nécessité de sa part une transformation radicale, allant jusqu'à chercher dans les coins les plus sombres de sa personnalité pour se mettre en condition. Quand c’était le cas, je ne voulais pas le perturber en allant discuter avec lui et je le laissais donc tranquille pour qu’il puisse se concentrer.

    C’est le premier film tourné par Abraham Attah. Qu’est-ce qui vous a convaincu de le choisir lors de son audition ?

    J’ai vu en lui un degré de compréhension émotionnel du personnage, mais également une certaine aisance face à la caméra et une grande profondeur d’âme ce qui était essentiel pour ce rôle. Parfois, face à une caméra, des personnes ont tendance à disparaître au profit du personnage qu'ils interprètent, c’est quelque chose d’instinctif et d’inné. Et c’est son cas.

    Votre méthode de travail est-elle la même pour un acteur confirmé comme Idris Elba qu’avec un jeune débutant comme Abraham Attah ?

    Non car Idris a davantage d’expérience et il a donc accumulé beaucoup de choses au cours de sa carrière, ce qui me permet de lui donner des indications très précises, en sachant qu’il trouvera la bonne manière d’y répondre. Abraham a, quant à lui, besoin de davantage de repères mais une fois qu’il a bien compris ce que j’essaie de lui faire jouer, nous pouvons attaquer le tournage de la scène.

    Etes-vous à l’aise sur un plateau de tournage où les acteurs sont essentiellement des enfants amateurs ?

    Oui et encore plus particulièrement parce que ce sont des enfants. Si vous trouvez les bons enfants pour jouer les personnages de votre film, cela rend l’expérience de réalisateur encore plus intéressante. De la même manière qu’un acteur débutant peut vous surprendre, les enfants sont parfois sources de surprise. L’authenticité de leur performance peut vous toucher au plus profond de vous-même.

    La fin du film laisse entrevoir une lueur d’espoir pour ces enfants. Est-ce un message de votre part ?

    Ce ne sera évidemment pas simple, le dégât psychologique laissé par les combats et la violence, ainsi que les drogues consommées, laissent une trace très profonde chez eux. Le chemin pris par ces enfants qui surmontent ce traumatisme n’est jamais simple à entreprendre. Mais parce qu’il y a la possibilité de survivre, de s’adapter et d’occuper une place importante dans la société, je pense qu’en effet il y a de l’espoir.

    Vous avez auparavant travaillé sur la première saison de True Detective : comment est venue l’idée du plan-séquence qui clôt l’épisode 4 ?

    J’ai décidé dès la phase de pré-production de tourner la scène en une seule prise car je voulais que nous soyons au cœur de l’action avec Rusty Cohle. C’est un instant promordial dans la série, et je ne voulais pas la filmer d’un point de vue extérieur. Une fois que la décision a été prise, il a fallu trouver le lieu, puis une fois que cela a été fait, nous avons démarqué les différents points de repère pour la scène, et enfin nous avons pu chorégraphier le détail de l’action. L’intérieur de la maison, que nous avions bâti en amont du tournage, a pu permettre de répéter avec les cascadeurs. Et en partant de là, nous avons pu enchaîner avec le reste des mouvements et construire la scène morceau par morceau.

    Il est très rare qu’un réalisateur signe à lui seul l’intégralité des épisodes d’une même saison. Aimeriez-vous reproduire l’expérience ?

    Oui, je pense que j’aimerais bien le refaire.

    Par exemple pour la saison 3 de True Detective ?

    C’est peut-être un peu trop tôt. (rire)

    Découvrir Beasts Of No Nation sur Netflix 

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