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    "Si A Perfect Day était une musique, il serait du punk rock" selon le réalisateur du film avec Benicio Del Toro
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    Retour sur "A Perfect Day", tragi-comédie présentée à la Quinzaine des Réalisateurs de Cannes en 2015, avec Benicio del Toro, Mélanie Thierry et le réalisateur Fernando Leon de Aranoa.

    En 2015, Benicio del Toro n'avait pas fait le déplacement à Cannes pour rien. Avant Sicario en compétition et Le Petit Prince hors-compétition, l'acteur s'était tourné vers la Quinzaine des Réalisateurs pour y présenter A Perfect Day. Un film tragi-comique qui lui permet de jouer un loser, chose qu'il affectionne, aux côtés de Mélanie Thierry. Le tout devant la caméra du réalisateur Fernando Leon de Aranoa, qui revient sur différents aspects du long métrage. 

    J’ai lu que vous avez travaillé dans l’humanitaire en 1995, époque à laquelle se déroule le film : est-ce à ce moment-là que l’idée vous est venue ?

    Fernando Leon de Aranoa : Pas vraiment. J’ai trouvé l’idée dans un livre écrit par Paula Farias dont on m’a parlé alors que je réalisais un documentaire en Ouganda il y a quatre ans [l’interview a été réalisée en mai 2015, ndlr] : c’est une personne chargée de la sécurité qui m’a raconté l’histoire de ces personnes chargées d’évacuer un corps. Ça m’avait paru intéressant donc je me suis plongé dans le livre, où j’ai également trouvé un sens de l’humour et de l’absurde, ainsi qu’un peu de folie. Je me suis senti proche du ton qu’elle utilisait, et j’ai décidé de situer le récit en 1995 dans les Balkans, car j’y étais à ce moment-là, pour tourner un autre documentaire.

    J’avais d’ailleurs pas mal d’images que j’ai pu mettre à disposition de différents départements. Mais le plus important, pour moi, c’était l’expérience dont j’ai pu me servir en écrivant le scénario ou en expliquant aux acteurs ce que j’avais vécu sur place. Car il y a eu beaucoup de moments particuliers, pleins de confusion et de chaos, et j’ai voulu les reproduire dans le film.

    Et l’humour vous permettait d’avoir une approche différente de celle de votre documentaire, plus cinématographique ?

    Oui, exactement, surtout que le documentaire de 1995 était mon tout premier (rires) C’était un peu un désastre car j’étais en plein apprentissage, mais l’expérience était aussi intense qu’intéressante. Nous étions surtout focalisés sur les réfugiés dans ce documentaire, mais je trouve que la fiction est un outil très puissant pour raconter des choses, car vous avez plus de perspective et pouvez parfois aller plus loin d’un documentaire en termes d’analyse et d’émotion, à travers les personnages.

    Si le film était une musique, il serait du punk rock

    Puisque vous parlez des personnages : vous a-t-il été compliqué de réunir cet énorme casting ?

    Ça s’est fait progressivement : j’ai d’abord voulu savoir qui allait jouer Mambrù, car c’est le personnage qui équilibre le groupe, et j’ai très vite pensé à Benicio del Toro pour l’interpréter. J’ai eu de la chance qu’il puisse lire le scénario et qu’il l’aime, et il a très vite été impliqué sur le projet. Nous avons ensuite approché Tim Robbins, qui a été le second acteur à rejoindre le film. Je pense qu’il a parfaitement compris la place et le rôle de son personnage dans le récit, tout en apportant de la sauvagerie et de la tendresse en même temps, avec un peu d’humour.

    Etant le plus expérimenté de la bande, il est également celui qui comprend le mieux la folie de la guerre, car il y a de la folie en lui aussi, ce qui lui donne un côté punk rock. De la même façon que Tim a un côté punk rock (rires) Il m’a d’ailleurs donné beaucoup de bons conseils musicaux pour le film. Et c’est après cela que nous avons pu avoir Olga ou Mélanie. Donc le casting n’a pas été difficile : il nous fallait juste attendre le bon moment pour que tout le monde soit disponible pour faire le film.

    Qu’est-ce qui vous a poussé à choisir du punk rock dans la bande-originale ? Etait-ce pour accentuer la folie de la situation ?

    Absolument. Et aussi parce que ces personnes doivent passer à l’action et ne pas rester à penser aux choses, comme je m’en suis aperçu sur place à l’époque. Ils ne doivent pas s’arrêter car ça les rendrait fous, vu la dureté de ce qui les entoure. C’est quelque chose qui m’avait plu chez eux et que j’ai voulu retranscrire dans A Perfect Day, et c’est pour cette raison que les personnages doivent sans cesse prendre des décisions, quitte à se tromper. Mais au moins ils agissent.

    Et la musique participe à cet état d’esprit. Dès le début, j’ai d’ailleurs dit à l’équipe que si le film était une musique, il serait du punk rock, car je ne voulais pas que vous ayez le temps de gamberger, et que les personnages agissent. La musique me permettait de conférer cet esprit au récit. Il y a aussi celle que les personnages écoutent lorsqu’ils sont en voiture, car elle leur donne de la force pour faire face aux situations.

    Le livre que vous avez adapté se déroulait-il sur une seule journée, ou est-ce quelque chose que vous avez apporté en écrivant le scénario ?

    L’histoire se déroulait pendant une courte période, peut-être deux jours. Mais l’ordre d’idée était le même. Du livre, j’ai gardé l’intrigue et le début, ainsi que quelques moments de la fin. Mais j’ai changé beaucoup de choses dans la partie centrale, qui était beaucoup plus réflexive. L’auteur voulait sans doute y faire davantage parler son expérience de la guerre, et ce n’était pas le type d’humeur que je voulais dans le film. Et j’ai ajouté beaucoup de personnages, qui n’étaient pas dans le livre.

    Et c’est en écrivant l’histoire que je me suis rendu compte qu’elle fonctionnerait mieux en étant centrée sur une seule journée : ça apporte un peu de pression, et celle-ci est justifiée. Car si les personnages ne parviennent pas à retirer le cadavre du puits en l’espace de 24 heures, il faudra le fermer car ça ne sera plus récupérable, comme le dit clairement l’un des personnages. Il y a donc comme un compte à rebours.

    L’humour du film rappelle un peu ceux des frères Coen ou d’Emir Kusturica. Les considérez-vous comme des influences ?

    L’humour est quelque chose de très difficile et particulier. Mais lorsque l’on rentre dans l’aspect marketing du film, les gens veulent savoir s’il s’agit d’un film de guerre ou d’une comédie, et on m’a donc posé la question. Sauf que c’est un peu des deux. Je considère A Perfect Day comme une comédie au sein d’un drame, au sein d’un road movie au sein d’un film de guerre. J’ai quand même pensé à la façon dont les frères Coen dépeignent ce genre de situation et des moments de la vie avec un humour très noir, et je m’en suis servi comme référence. Mais uniquement comme référence pour décrire mon film, car il est très différent.

    Propos recueillis par Maximilien Pierrette à Cannes le 16 mai 2015

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