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    Les Gardiennes : rencontre avec Xavier Beauvois

    "Les Gardiennes", 7ème long métrage de Xavier Beauvois, est à l'affiche ce mercredi. Le cinéaste retrouve Nathalie Baye pour une 3ème collaboration, et réunit pour la première fois Nathalie Baye et Laura Smet dans un même film. Rencontre.

    Guy Ferrandis

    AlloCiné : C'est la première fois que vous adaptez un roman [Les Gardiennes d'Ernest Pérochon]. Est-ce que ça a changé beaucoup de choses dans votre façon de travailler le scénario, d'appréhender le tournage ?

    Xavier Beauvois, scénariste et réalisateur : Non. Je n'ai pas pensé adaptation dans ma tête. J'ai pensé appropriation. Maintenant, c'est à moi, donc j'en fais ce que je veux ! J'ai l'impression d'avoir totalement trahi le roman, mais au final la substantifique moelle est là. C'est très respectueux. J'ai changé de région, j'ai enlevé des personnes, j'en ai rajouté d'autres. J'ai changé beaucoup de choses, mais je me les suis appropriées. Le roman coulait dans mes veines, comme si je l'avais écrit moi-même. Je pense que c'est une bonne façon de faire.

    En tout cas, je n'ai jamais trop aimé les adaptations. Quand j'ai lu le livre, généralement je ne vais pas voir le film. Parce que chaque homme, chaque femme qui lit un livre devient metteur en scène. Dans sa tête, on fait le film : on imagine des costumes, des visages, des endroits… Ce que l'auteur nous infuse dans le cerveau.

    Dans le dossier de presse, vous présentez ce film comme un western avec des femmes !

    Souvent, je disais à [Caroline] Champetier [ma directrice photo], il faut penser western, dans les cadres. J'aime bien les westerns ! (…) [En terme de mise en scène], à chaque fois évidemment, on essaye de faire des choses nouvelles. Surtout il faut s'adapter au sujet. La mise en scène est dictée par le sujet du film.

    J'avais des femmes tellement belles, des paysannes. Et c'est plus que des figurants, on est devenu copains. Elles ont dû apprendre à couper le blé à la faucille. Ce n'est pas évident.

    Guy Ferrandis

    Vous avez réuni au cinéma pour la première fois Nathalie Baye et Laura Smet. Cette idée est venue dès le départ du projet ? Ou même avant ce film en particulier ?

    Il y a longtemps, après Selon Matthieu, j'avais rencontré Nathalie. On s'était très bien entendu, on est devenu amis. (…) On avait vraiment ce fantasme de faire un film tous les trois. On ne voulait pas que ce soit un coup et ce n'est pas évident de trouver le bon sujet. Et puis, c'est toujours un stress pour un cinéaste de se dire est-ce que ça va être crédible. Mère-fille. Là, du coup, c'est un stress en moins.

    Vous dites-vous que vous pourriez retrouver à nouveau Nathalie Baye ? C'est un peu devenu votre actrice fétiche !

    Comme je dis vulgairement, elle en a encore sous la pédale ! Elle n'a pas tout donné ; il y a des choses à aller chercher chez elle. Il y a des acteurs dont on a l'impression d'avoir fait le tour. Nathalie, qu'on la voie chez Xavier Dolan, et chez moi juste après… C'est une grande ! Surtout, c'est très facile de travailler avec elle.

    Les Gardiennes : Nathalie Baye et Laura Smet ensemble pour la première fois au cinéma

    D'où vient Gilbert Bonneau ? Je n'avais pas souvenir de l'avoir déjà vu quelque part mais il dégage vraiment quelque chose de fort… Comment l'avez vous trouvé ?

    Une fille a fait un casting sur place pour les "vieux". On est tombé sur lui mais je trouvais qu'il faisait trop jeune pour faire le père de Hortense. Je me dis qu'on a qu'à en faire un frère. J'ai changé le scénario. Un cas pareil, je le garde ! Il était tellement étonnant. Il est allé deux fois à Paris, pour une manifestation de la FNSEA, et une autre fois pour voir le médecin des assurances pour mon film. Sinon il n'a pas bougé de plus de 20 km autour de sa ferme !

    Une fois, dans une interview, il a dit : « oh ce que j'ai fait, tout le monde peut le faire ! Acteur, c'est pas compliqué, il suffit de faire ce qu'on vous demande ». Je lui ai rajouté plein de scènes. C'est la première fois de sa vie qu'il a une fiche de paye ! Maintenant, c'est devenu la star de son village, il était heureux comme tout !

    Il va refaire du cinéma, vous croyez ?

    L'an prochain, j'aurai peut être quelque chose pour lui. Il est drôle !

    Comme Gilbert Bonneau, Iris Bry n'a jamais cherché à faire du cinéma…

    Oui, pas du tout. Elle était en CAP libraire. La responsable du casting l'a trouvée dans la rue à Montreuil. « - Vous ne voulez pas faire des essais pour un film ? - Oui, pourquoi pas. Je verrai bien à quoi ça peut ressembler des essais.» 10 secondes avant, elles ne se croisaient pas. C'est magique !

    Quand j'ai vu les essais, au bout de 15 secondes... (il souffle). J'ai appelé Sylvie Pialat [la productrice], je lui ai dit « regarde les essais ». A son tour, elle a soufflé. Après je l'ai rencontrée et je n'ai même pas refait d'essais, ni de répétitions, rien du tout. Les techniciens ne voulaient même pas me croire qu'elle n'avait jamais mis les pieds sur un plateau de cinéma.

    Guy Ferrandis

    On dirait un peu une nouvelle Isabelle Huppert...

    Oui. Sylvie Pialat a fait un montage d'Isabelle Huppert et elle jeune. D'ailleurs ce qui est drôle, c'est que quand on a pris les cours de labour, herse, chevaux, etc., avec Nathalie et Laura, Nathalie nous dit : « je ne peux pas déjeuner avec vous, j'ai un rendez-vous. Vous n'avez qu'à aller là, c'est très bon ». On l'écoute et là, boum, on tombe sur Huppert ! Iris a pu parler un moment avec Isabelle Huppert. Dans la même journée, elle a rencontré Baye et Huppert ! « Je vis un rêve moi ! » (rires)

    Après Les Gardiennes, y a-t-il un livre que vous rêveriez d'adapter ?

    Les Mémoires d'Hadrien de Marguerite Yourcenar. Je ne sais pas combien de dizaines de millions d'euros cela pourrait coûter ! Mais j'aurais beaucoup aimé ça, oui ! Je crois qu'à un moment il y avait John Boorman sur le coup, avec Antonio Banderas, mais c'est tombé à l'eau. (…) Je parle de ce livre dans N'oublie pas que tu vas mourir d'ailleurs. Il y a une scène pendant laquelle il visite la Villa d'Hadrien, pas loin de Rome.

    Les Gardiennes : Nathalie Baye revient sur le travail de préparation

     

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