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    The Unthinkable : "On s'est demandé ce qui arriverait si le signal de guerre qui retentit une fois par mois n'était pas juste un exercice"

    "The Unthinkable", réalisé par le collectif Crazy Pictures, déjà disponible en VOD, sort en Blu-ray et DVD ce mercredi. Lors du festival de Gérardmer, où il avait reçu trois prix, nous avions rencontré trois de ses créateurs.

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    AlloCiné : Pouvez-vous nous dire d'où vient l'idée du film ?

    Christoffer Nordenrot : C'est né au cours d'une réunion du collectif Crazy Pictures. En Suède, tous les premiers lundi du mois, on teste le signal de guerre. Et les garçons se sont dit : « Et si ça arrivait pour de vrai et que ce n'était pas juste un exercice ? » On s'est demandé ce qui se passerait si tous les téléphones cessaient de fonctionner, si on ne pouvait plus contacter les gens qu'on aime. C'était le point de départ. Il y a aussi des histoires parallèles avec les personnages, sur le fait qu'il faut dire les choses avant qu'il ne soit trop tard.

    Quand le collectif Crazy Pictures est-il né ?

    Albin Pettersson : Olle [Tholen] et moi faisaons partie de Crazy Pictures et Chrisopher travaille avec nous depuis une douzaine d'années, comme acteur et comme scénariste. On s'est rencontrés à l'école, quand on devait avoir 16 ans. On a fait de nombreux films juste pour s'amuser, on a fait un long métrage quand on avait 17 ans. C'est en organisant le casting qu'on a rencontré Christopher d'ailleurs, mais le film n'est jamais sorti. Après le lycée, on s'est demandé si on devait faire une école de cinéma et on a finalement décidé de lancer une boîte de production et de continuer à faire des films ensemble. En onze ans, on a produit beaucoup de courts métrages, qu'on a diffusés sur Youtube et on a fait beaucoup de pubs pour pouvoir financer tout ça. Quant à The Unthinkable, on a commencé à écrire le script en 2012, donc le chemin a été long !

    Vous êtes cinq, comment ça marche entre vous ?

    AP : On fonctionne comme une sorte de noyau créatif, où on discute de tout. On a tous nos spécificités et à nous cinq, on peut réussir à produire, réaliser, diriger la photographie, créer les décors, les effets spéciaux…

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    Et la musique ?

    AP : On a un sixième membre, un joker qui s'appelle Gustaf Spetz et qui est le compositeur du film. Il a son studio d'enregistrement dans notre cave.

    Olle Tholen : On a un énorme bureau, avec tout l'équipement dont on a besoin pendant tout le processus de création, du premier jet du scénario, au marketing pour le film. C'est comme un immense terrain de jeu.

    Avez-vous eu des doutes pendant la production de ce film ?

    AP : Bien sûr qu'on a eu d'énormes doutes. On a dû mettre le projet en stand-by à plusieurs reprises car même s'il plaisait, les gens doutaient que des gamins de 24 ans soient capables de le réaliser, ou pensaient que ça coûterait trop cher, donc on a fait plusieurs courts métrages entre-temps, tout en continuant de retravailler le script pour maintenir la flamme et en 2015, on a fait une campagne Kickstarter. Le film a coûté 1,8 millions d'euros : une partie vient du Kickstater et la confiance du public nous a permis de convaincre d'autres investisseurs.

    Parmi les thèmes abordés dans le film, comme la jeunesse, la paranoïa, la Suède d'aujourd'hui, lequel vouliez-vous davantage mettre en avant ?

    OT : Il y a de nombreux thèmes, mais le fil conducteur du film, c'est vraiment « Dites ce que vous voulez dire à ceux que vous aimez avant qu'il ne soit trop tard ». Et après, il y a la question de la mémoire et des souvenirs, mais Christoffer en parle beaucoup mieux que moi !

    CN : Les gens ne sont rien de plus que des souvenirs et les souvenirs sont subjectifs. Vous et moi, on se souviendra de ce moment de deux manières complètement différentes et si on perd la mémoire, alors qui est-on ?

    OT : Et ensuite, il y a ce thème de l'attaque. C'est assez troublant pour un pays comme la Suède d'imaginer que tout ce que l'on voit dans les films américains sur les attaques terroristes puisse arriver sur notre territoire. Comment se sentirais-je ? Qui appellerais-je ? A quoi est-ce que ça ressemblerait ? C'est assez fascinant, même si c'est inquiétant. 

    AP : Quand on a commencé à évoquer l'idée du film, on se sentait en sécurité en Suède, donc c'était vraiment une projection, puis au fur et à mesure, le monde a changé et c'est devenu une réalité même pour nous.

    Est-ce pour cela que la fin est si ouverte et si triste ou était-ce le projet depuis le début ?

    AP : Disons qu'on a toujours voulu que le spectateur ne sache jamais vraiment qui était l'ennemi dans le film. Dès le début, on souhaitait que ce ne soit pas clair et qu'il y ait une dimension mystique, même si on comprend de plus en plus de choses en approchant de la fin.

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    Comment avez-vous joué sur les différentes facettes de votre personnage ?

    CN : Alex est une personne très introvertie. Au début, il a 16 ans et ses relations avec ses parents sont très compliquées, en particulier avec son père qui ne sait pas du tout gérer ses émotions et est tout le temps en colère. Lorsqu'on le retrouve douze ans après, il est devenu quelqu'un de très amer et de très cynique car il n'a jamais eu les clés pour exprimer ses émotions. J'ai perdu 20 kilos pour pouvoir jouer Alex à 16 ans, c'était très difficile. Les deux parties se répondent et ont nourri ma composition du personnages à travers ces deux moments de sa vie. 

    Le passage d'un âge à l'autre lorsque Alex est au piano, est l'un des climax du film et c'est une très belle idée de mise en scène. Qui a eu l'idée ?

    OT : Je ne sais plus qui a eu l'idée, mais c'est une idée très visuelle et on voulait que tout prenne sens à ce moment précis. On ne voulait pas juste montrer au public qu'il était plus vieux, on voulait que ce soit un peu magique, et la musique semblait un beau moyen d'y arriver. On voulait que ce soit magique, mais que ça reste réaliste, sans effets visuels, c'est pourquoi on a fini par faire ce plan, qui a été très compliqué à tourner ! On l'a refaite 20 fois ! 

    CN : Et c'était l'horreur pour moi, mes doigts commençaient à saigner à force de jouer du piano encore et encore. 

    La mise en scène est à la fois très proche des personnages et subtile en ce qui concerne les effets visuels. Vous recherchiez le réalisme avant tout ?

    AP : Le plan était de suivre les personnages, de voir ce qu'ils voient et que le spectateur n'en sache jamais plus qu'eux. On n'a pas de vision d'ensemble de ce qui se passe. Même dans les scènes d'action, on voulait que cela reste réaliste et garder le point de vue des personnages, comme quand l'immeuble du Parlement explose. On est dans la voiture, derrière la comédienne, la pluie tombe. On ne voulait pas de gros plan. 

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    Quelles sont vos influences ? D'autres réalisateurs ? 

    OT : Avant de commencer The Unthinkable, on en a beaucoup discuté, car on adore les films américains...

    AP : Christopher Nolan, ou des films comme Signes ou Drive, des films très américains dans leur ADN. Pour ce film, on s'est beaucoup inspirés d'un cinéaste dont on aime tous les films et qui est Denis Villeneuve, et du travail du directeur de la photographie Roger Deakins. Et il y a ce très bon film de genre suédois qui s'appelle Morse et qu'on aime beaucoup. On a d'ailleurs demandé au producteur de se joindre au projet et il a accepté. 

    A ce propos, quand avez-vous décidé que vous vouliez que The Unthinkable soit un film de genre ? 

    OT : C'est venu naturellement. On a commencé à faire ce drame et ce thriller un peu mystique sans vraiment savoir que c'était un film de genre. 

    AP : On ne s'attendait pas vraiment à un tel succès et c'est vrai que même si on aimait explorer différents genres dans nos courts métrages, on ne s'est jamais vraiment posé la question du genre ici, jusqu'à ce qu'on se retrouve dans des festivals de cinéma de genre.

    CN : Au delà du genre, on est aussi très heureux que le film soit à la fois très suédois et très universel. 

    Quel est votre tout premier souvenir de spectateur ?

    OT : Mon premier souvenir, c'est la première fois que j'ai vu Le Roi lion. C'était en 1994, j'avais 6 ans et c'était la première fois que j'allais au cinéma avec mes parents. C'était la première fois que je pleurais devant un film, quand le père meurt. 

    CN : Quoi ? Il meurt ?

    OT : Grosse révélation. (Rires) C'est mon premier souvenir et c'est aussi un excellent film, d'ailleurs. 

    CN : Moi, je me rappelle avoir regardé E.T. et avoir été embarqué dans cette expérience complètement magique, à la fois ancré dans la réalité, avec ces éléments de science-fiction et toute cette émotion. J'ai pleuré, évidemment. Je devais avoir 6 ou 7 ans, je ne sais pas pourquoi mes parents m'ont laissé regardé ça. 

    AP : Mon premier souvenir est d'être caché, tard le soir, sous une table, pendant que mon grand frère enregistrait Star Wars Episode IV en VHS. Au début, il y a cette scène de l'entrée de Dark Vador et j'étais terrorisé. 

    Quels sont vos projets pour la suite ?

    OT : Je vous disais juste avant qu'on n'avait pas réfléchi à la question du genre pour The Unthinkable, c'est quelque chose qu'on fait davantage dorénavant et on aimerait faire des films suédois avec des concepts forts, mais qui puissent toucher tout le monde. 

    AP : Actuellement on écrit et on développe des projets, mais rien de très concret pour l'instant. On travaille également avec Christoffer sur le script d'un pilote de court métrage pour la télévision américaine. 

    La bande-annonce du film :

     

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