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    American Gods saison 2 : les héros pris au piège dans notre récap' du final
    Maximilien Pierrette
    Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

    La saison 2 de "American Gods", c'est déjà fini. Quel bilan peut-on faire de cet épisode final et de ce deuxième tour de piste ? Que nous réserve la suite ? Mais qui est vraiment Shadow Moon ? On fait le point.

    Amazon Prime Video

    ATTENTION - L'article ci-dessous contient des spoilers, dans la mesure où il revient sur certains des événements survenus pendant la saison 2 de "American Gods", et notamment son final. Veuillez donc passer votre chemin si vous n'êtes pas à jour, pour mieux revenir ensuite. Pour les autres, rendez-vous après la bande-annonce.

    Deux années d'attente pour huit petites semaines de diffusion. Quand on aime American Gods, il faut savoir être patient. Avant, pendant et après chaque saison. La deuxième du show, adapté du roman homonyme de Neil Gaiman, s'est donc achevée ce lundi 29 avril en France sur Amazon Prime avec un gros cliffhanger : piégés par M. Monde et ses sbires, New Media en tête, qui jouent sur la peur des Américains et les font accuser du meurtre de policiers, Voyageur et Shadow Moon sont séparés, et le second se retrouve guidé vers la ville de Lakeside, dans le Winsconsin, avec le nom de Michael Ainsel.

    Un nouveau nom pour celui qui, comme une scène impressionnante au coeur de l'Arbre du Monde (et de ses souvenirs) le révèle clairement, n'est autre que l'un des fils de Voyageur, alias Odin. Une révélation qui n'est pas encore totalement explicite, pas plus qu'elle ne surprendra ceux qui n'avaient pas lu le roman original (dont le deuxième livre s'intitule justement "My Ainsel"). Ne serait-ce que parce que le personnage joué par Ian McShane a toujours été mystérieux quant aux raisons qui l'ont poussé à emmener celui incarné par Ricky Whittle sur son chemin. Ou parce qu'il lui a déclaré qu'il lui rappelait son fils, au cours d'un épisode centré sur le défunt Thor, artiste de cabaret à la force surhumaine, frappé par la seule mort à laquelle les Dieux ne peuvent échapper : son propre suicide.

    Alors que l'avenir est encore flou, le passé a occupé une grande place dans cette saison 2 : outre la parentalité contrariée de Voyageur, nous avons en effet découvert la jeunesse tourmentée de Shadow, marquée par la maladie de sa mère ; les origines de Mad Sweeney (Pablo Schreiber), ancien roi en Irlande, avant sa mort des mains du héros à la fin de l'épisode 7 ; et même remonté le temps aux côtés de M. Monde, tout heureux de nous montrer de quelles façons la peur avait pu façonner l'Amérique, en revenant par exemple sur la lecture radiophonique de "La Guerre des Mondes" signée Orson Welles, qui avait fait croire à une vraie invasion extra-terrestre en 1938. Une séquence qui sert d'entrée en matière particulièrement réussie pour ce final qui concentre les qualités et défauts du reste de la saison.

    Parmi le positif, il y a bien sûr l'aspect visuel. C'était l'une des grandes forces de la saison 1 et la donne n'a pas changé en 2019, malgré des restrictions budgétaires qui ont provoqué le départ des ex-showrunners Bryan Fuller et Michael Green, et fait craindre que le show ne se ternisse. Même si le season premiere paraissait plus sage sur ce plan, American Gods n'a finalement rien perdu de sa superbe, en nous offrant à nouveau quelques scènes et images particulièrement marquantes, à la limite du trip par moments, comme lorsque Shadow revisite plusieurs lieux déjà aperçus auparavant (la plage de l'ouverture du pilote par exemple) à travers des visions qui nous laissent autant entrevoir ses pouvoirs qu'ils appuient le côté graphique de l'ensemble, à mi-chemin entre le conte et le comic book.

    Une fois de plus très belle à regarder, la saison 2 d'American Gods n'était pas une jolie coquille vide pour autant : après nous les avoir présentés de façon un peu sommaire en 2017, la série donne aujourd'hui plus d'épaisseur à ses personnages principaux, Shadow Moon en tête. Même si ce dernier a trop souvent été la marionnette de Voyageur, comme dans tout bon récit mythologique où les humains ne sont que les jouets de divinités désireuses de se tirer dans les pattes. Plus que la quête de sa vraie identité, le prochain tour de piste sera aussi le récit de son émancipation et de l'apprentissage de ses pouvoirs, pas tout à fait clairs pour le moment (a-t-il fait disparaître les policiers qui encerclaient sa maison d'une simple pichenette ?). Ce sera loin de sa femme Laura (Emily Browning), partie sur la route avec le cadavre de Mad Sweeney (qui devrait avoir son importance par la suite selon Neil Gaiman), et de celui qui lui servait de guide jusqu'ici, mais dont les vraies intentions sont devenues plus ambigües.

    Surtout depuis cette scène au cours de laquelle Mad Sweeney révèle avoir été la cause de l'accident qui a coûté la vie de Laura, sur ordre de Voyageur. Quelles sont les vraies intentions de ce dernier ? Nous ne le savons pas encore exactement. Mais il semble bien décidé à triompher des nouveaux dieux dans ce conflit qui ressemble davantage, pour l'heure, à une Guerre Froide qu'à un vrai face-à-face, malgré l'offensive meurtrière du season premiere. Une attaque commanditée par M. Monde, grand méchant théâtral et de moins en moins mystérieux, qui apparaît comme le vainqueur de cette saison où il a pu faire tuer l'une de ses ennemies (Zorya) grâce à la taupe implantée dans le camp adverse (Bilquis), fait évoluer son Technicien (Bruce Langley) pour que celui-ci l'aide à piéger ceux qui s'opposent à lui, et ainsi les éparpiller dans la nature.

    Incarné par Crispin Glover, Monde est celui qui s'adresse le plus à nous, pour nous présenter son plan diabolique mais également souligner la difficulté dans laquelle se trouvent les anciens dieux, condamnés à disparaître si les gens se tournent vers les nouveaux et cessent de croire en eux, la notion de croyance étant tout aussi importante que celle de peur dans ce season finale. Entre ce méchant intrigant et ce "gentil", Voyageur, ambigu, la frontière supposée entre le Bien et le Mal se brouille de plus en plus, si bien qu'il va peut-être s'avérer compliqué de choisir un camp, pour le téléspectateur comme pour Shadow Moon, au vu des dernières révélations auxquelles ce dernier a dû faire face. Des informations qui ont, par ailleurs, mis du temps à arriver.

    Ce qui nous amène au défaut majeur de cette saison, et même de la série en général : sa narration. Qu'American Gods prenne son temps, notamment pour installer cette ambiance où rêve et réalité se rejoignent, ça n'est pas un problème. Surtout avec un aspect visuel aussi riche et marqué. Mais l'ensemble donne plus d'une fois l'impression d'avancer en gardant sciemment le pied sur le frein. "C'est une partie d'échecs, pas une révolution", dit M. Ibis (Demore Barnes) lors d'une scène de ce season finale, comme pour justifier le rythme général de ces saisons où les deux camps adverses se sont constitués et ont allumé quelques petites étincelles, à défaut d'embraser le récit. Ça, ce sera peut-être la saison prochaine. Mais en attendant, le show n'est pas toujours parvenu à se montrer captivant.

    Si la saison 1 avait pour elle de présenter les forces en présence, la 2 se devait de passer à la vitesse supérieure. Qu'elle n'ait pas renié le style de la série, pour garder une certaine cohérence, est une bonne chose. Qu'elle ait approfondi ses personnages aussi. A ceci près que Jinn (Mousa Kraish) et Salim (Omid Abtahi) n'en ont pas autant bénéficié, alors qu'ils sont régulièrement proches de Shadow, Voyageur et consorts, et que ça n'est pas la place qui manquait. Surtout lors des épisodes qui n'ont que trop peu fait avancer l'intrigue. De ce fait, et même s'il en contient quelques-uns, American Gods n'est pas un show à spoilers, mais plutôt une œuvre dense qui va au-delà et s'apprécie d'un bloc, ses rares rebondissements faisant figure de récompenses pour ceux qui ont su suivre le rythme.

    Mais seront-ils encore nombreux en 2020 ou 2021, lorsque la saison 3 sera diffusée ? Parmi les téléspectateurs qui, sans être totalement convaincus par des premiers épisodes aux allures de longue entrée en matière, ont donné une nouvelle chance à la série, en espérant qu'elle avance pour de bon dans sa guerre entre anciens et nouveaux dieux, promise dès le synopsis. L'ensemble ne manque assurément pas de qualités mais, à l'heure où les shows se multiplient, les choix se doivent d'être de plus en plus drastiques chez les téléspectateurs, et American Gods pourrait en faire les frais auprès de ceux qui ne sont pas parvenus à entrer dans son histoire.

    La série sera, quoiqu'il arrive, de retour. Avec une saison 3 supervisée par Charles Eglee (The Shield, Dexter)… qui prépare également la mise en place de la 4 selon Neil Gaiman, dans une interview donnée à Entertainment Weekly, au cours de laquelle il reconnaît que son bébé peut mieux faire : "Quiconque a travaillé sur la saison 2 d'American Gods, d'une façon ou d'une autre, mérite une médaille, car il a vécu une petite guerre", explique-t-il en référence à la production chaotique, qui a vu le showrunner Jesse Alexander poussé vers la sortie peu avant le tournage du final. "[Maintenant] je veux une main ferme à la barre. D'American Gods, les gens aiment les personnages et le monde, et avec les saisons que nous prévoyons de faire, notre but est d'être plus vifs et avec un meilleur récit."

    Un récit qui nous montrera Shadow à Lakeside, alors qu'il pense être revenu à une vie normale, mais que Voyageur va tenter de retrouver. "Voyageur aura une plus grande tâche dans la saison 3, car il y a une guerre qu'il est déterminé et prêt à mener. La guerre froide est presque terminée et il sera bientôt l'heure, pour la vraie guerre, de commencer." Si American Gods n'y perd pas la fascination que provoque son univers visuel, ni sa capacité à jouer avec les mythes et symboles, anciens comme nouveaux, elle pourrait enfin transformer l'essai une bonne fois pour toutes, avec un avenir en forme de feu d'artifices, belle récompense pour tous ceux qui auront arpenté cette route aussi belle qu'imparfaite.

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