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    Snowpiercer : le gros mensonge de Bong Joon-ho à Harvey Weinstein
    Corentin Palanchini
    Passionné par le cinéma hollywoodien des années 10 à 70, il suit avec intérêt l’évolution actuelle de l’industrie du 7e Art, et regarde tout ce qui lui passe devant les yeux : comédie française, polar des années 90, Palme d’or oubliée ou films du moment. Et avec le temps qu’il lui reste, des séries.

    Le producteur Harvey Weinstein voulait imposer son montage sur "Snowpiercer", mais le réalisateur Bong Joon-ho ("Parasite") a su lui résister, en lui mentant.

    2013 SNOWPIERCER LTD.CO

    Connaissez-vous Snowpiercer ? Le film de Bong Joon-ho avec Chris Evans (Captain America) adapté de la bande-dessinée Le Transperceneige de Jacques Lob et Jean-Marc Rochette est sorti en 2013. Il se déroule en 2031, dans une Terre envahie par la glace. Les derniers survivants ont pris place à bord du Snowpiercer, un train gigantesque condamné à tourner autour de la Terre sans jamais s’arrêter. Dans ce microcosme futuriste de métal fendant la glace, s’est recréée une hiérarchie des classes contre laquelle une poignée d’hommes entraînés par l’un d’eux tente de lutter.

    Or, la post-production de Snowpiercer a été un enfer, comme le réalisateur coréen le révèle à Vulture, car à l'époque, le distributeur du film aux États-Unis, Harvey Weinstein, veut couper 25 minutes du long métrage, soit le réduire de 126 à 101 minutes. Dans le viseur du fondateur de Miramax, les dialogues, qu'il veut entièrement supprimer, retirant alors toute motivation aux personnages et rendant le film incohérent. Bong Joon-ho se souvient de ses discussions avec Weinstein :

    C'était une rencontre vouée à l'échec. Je suis quelqu'un qui jusqu'alors avait toujours sorti les director's cut de ses films. Je n'avais jamais réalisé un montage que je ne souhaitais pas. Le surnom de Weinstein est "Harvey aux mains d'argent" [en référence aux coupes qu'il instaure en salle de montage, NdlR] et il était très fier de son montage du film.

    Bong Joon-ho se souvient notamment d'un problème sur une scène que Weinstein voulait retirer. Dans celle-ci, Chris Evans, Jamie Bell et leurs alliés se confrontent à des combattants cagoulés et équipés d'armes blanches. Dans cette séquence, l'un des cagoulés ouvre un poisson d'un coup de hache.

    "Pourquoi un poisson ? On veut de l'action !", ce à quoi Bong Joon-ho lui répond : "mon père était pêcheur, je dédie ce plan à mon père". Weinstein est touché et s'incline... Mais Bong a menti, son père n'a jamais été pêcheur ! Et voilà comment un mensonge a sauvé un plan devenu emblématique du film.

    Mais "la scène du poisson" réglée, Weinstein n'a pas lâché le film pour autant, cherchant à imposer son montage. Il fut décider de tester la version du distributeur (amputée donc de 25 minutes) devant un public. La salle répondit en sortant qu'elle n'avait pas compris l'intrigue et donna de mauvaises notes au film. Si Weinstein avait insisté pour que sa version soit gardée, Bong était prêt à enlever son nom du générique. Mais au final, le distributeur accepta de garder le montage de Bong Joon-ho mais décida de sortir le film non plus largement mais de façon plus confidentielle.

    Philosophe, le réalisateur coréen conclut : "Pour Weinstein c'était peut-être une punition envers un metteur en scène qui ne veut pas l'écouter, mais de mon côté, tout le monde était content. Nous avions notre director's cut !"

    "Parasite", dernier film du réalisateur, Palme d'or 2019, sort en DVD le 4 décembre :

     

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