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    "Paroles de scénaristes" : des scénaristes français expriment leur ras-le-bol
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    "Paroles de scénaristes" s'est créé début décembre, rassemblant des dizaines de témoignages de scénaristes. Il a pour but de pointer l'omerta régnant au sein du secteur, et des discriminations et abus que peuvent subir ces professionnels.

    Pixabay

    Depuis le 1er décembre, une page s'est créée sur les réseaux sociaux, sous le nom "Paroles de scénaristes" afin de recueillir des témoignages et lever l'omerta sur un secteur qui s'exprime habituellement peu sur son travail et les conditions dans lesquelles il l'exerce. 

    Rassemblant des dizaines de témoignages de scénaristes, qui travaillent aussi bien pour le cinéma que pour la télévision, Paroles de scénaristes a rapidement pris de l'ampleur. AlloCiné a joint Paroles de scénaristes afin d'en savoir davantage sur leur démarche : 

    AlloCiné : Comment est né Paroles de scénaristes ?

    Paroles de scénaristes : Ce groupe est né suite à plusieurs choses. D’abord, des années de pratique et donc d’abus que nous avons subis et que nous partageons entre nous, scénaristes. Ensuite, la vague de renouveau des réflexions sur les discriminations nous a permis de mettre des mots sur ce que nous subissions depuis des années : dans le système actuel, les scénaristes sont un peu l’équivalent de l’épouse soumise des années 50 des producteur.rices ou des réals : nous mettons les histoires au monde, nous travaillons dans l’ombre, et nous sommes plus que souvent confronté.es à des pratiques discriminatoires : invisibilisation, réappropriation de notre travail, remarques rabaissantes, omerta, maltraitance administrative, travail gratuit…

    Dans le système actuel, le scénariste est un peu l’équivalent de l’épouse soumise des années 50 des producteur/trices ou des réalisateurs

    Pour finir, le déclic, « la goutte d’eau » qui a fait déborder le vase : une des créatrices du groupe a écrit seule un long-métrage et a déposé une demande d’aide à la réécriture auprès du CNC. Pour le deuxième tour, le CNC a rappelé uniquement le réalisateur et n’a invité que lui à venir défendre un scénario (qu’il n’a donc pas écrit !) à l’oral. La page de Paroles de Scénaristes est née le soir même, de ras le bol.

    Le collectif a pris de l'ampleur assez rapidement. Pouvez-vous nous donner quelques chiffres ? Vous attendiez-vous à autant de réactions et si rapidement ? On pourrait imaginer qu'il y a une peur de parler, de crainte de se "griller”...

    L’omerta régnante faisait que personne n’osait prendre la parole publiquement pour dénoncer un abus sans crainte de se faire griller dans le milieu. Nous avons donc pensé à un groupe qui permettrait justement de témoigner sans cette crainte, en assurant l’anonymat des témoins.

    Visiblement, les scénaristes n’attendaient que cela pour parler : en une semaine nous avons reçu plus de 60 témoignages, plus de 2 000 personnes nous ont rejoints sur la page Facebook, et nous avons décidé de créer il y a 3 jours une page Instagram qui recense déjà plus de 600 followers et  un compte Twitter de plus en plus suivi également. Et le mouvement s’amplifie de jour en jour, on en est les premier.ères surpris.es.

    Ces chiffres attestent de deux choses : d’abord, loin d’être des épiphénomènes, les abus et discriminations que subissent les scénaristes en France sont systémiques. Et ensuite, que les scénaristes français en ont vraiment gros sur le cœur. 

    Les abus et discriminations que subissent les scénaristes en France sont systémiques

    Après les paroles, des actes ? Avez-vous des projets pour faire évoluer la situation ? 

    Le combat des scénaristes doit se faire à plusieurs niveaux : intime, et syndical. Nous on est là pour faire évoluer l’intime : que les scénaristes comprennent qu’ils et elles ne sont pas seul.es, que ce qu’ils et elles subissent est le résultat d’un système injuste qui fait tout pour les fragiliser. Mettre des mots, identifier les abus et les nommer comme tels, c’est aussi une première étape pour se libérer de ces emprises et prendre du recul par rapport à elles. C’est aussi en lisant des témoignages extérieurs à soi qu’on peut se rendre compte qu’une situation vécue comme normale ne l’est pas forcément. Il faut que la honte et la peur changent enfin de camp. Mais l’intime doit aussi être accompagné par des actions politiques et, sur ce plan, nous laissons faire les syndicats de scénaristes.

    > "Paroles de scénaristes" sur Facebook et Instagram

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