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    Alice Nevers : "Je ne serais pas restée sinon"... Marine Delterme revient sur l'intrigue qui a tout changé
    Jérémie Dunand
    Jérémie Dunand
    -Chef de rubrique télé / Journaliste
    Bercé dès l’enfance au rythme de Sous le soleil, de P.J., ou des sagas de l’été, il se passionne de plus en plus pour les séries françaises au fil du temps. Et les dévore aujourd’hui (presque) toutes, de Balthazar à Scènes de ménages, en passant par Hippocrate, Candice Renoir, Ici tout commence.

    Après 121 épisodes, "Alice Nevers" s'est achevée hier sur TF1. L'occasion d'évoquer avec Marine Delterme et le producteur Vincent Mouluquet l'évolution de la série au fil de ses 18 saisons et le moment qui a tout changé pour Alice et les fans.

    Hier soir, Alice Nevers prenait fin sur TF1 devant 5,3 millions de téléspectateurs en moyenne, venus en nombre assister au mariage d'Alice et du commandant Marquand. Un joli score pour la dernière enquête de Marine Delterme et de Jean-Michel Tinivelli, commandée l'an dernier par la chaîne à la suite de l'annulation de la série au terme de sa dix-huitième saison.

    À l'occasion de la diffusion de ce double épisode final événement, Marine Delterme et le producteur Vincent Mouluquet, rencontrés sur le tournage en novembre dernier, sont revenus pour nous sur l'évolution de la série qui, durant ses vingt ans d'antenne, aura connu de nombreux changements. Et aura participé à écrire une page importante de l'histoire de la télévision française.

    Le juge est une femme n'est plus, vive Alice Nevers

    L'aventure Alice Nevers débute en 2002, lorsque Florence Pernel décide d'arrêter la série Le juge est une femme, également connue sous le titre Florence Larrieu : Le juge est une femme, dont elle est l'héroïne depuis 1993. La production souhaite poursuivre l'aventure avec une autre comédienne et Marine Delterme est alors choisie pour porter sur ses épaules la nouvelle mouture de la série, intitulée Alice Nevers, le juge est une femme.

    Une période qui paraît aujourd'hui bien loin à Marine Delterme : "J'ai l’impression qu’on a débuté à la Préhistoire des séries (rires). Lorsqu'Alice Nevers est arrivée, j’avais fait dix ans de cinéma, et à ce moment-là on m'offrait des rôles qui me correspondaient moins, des personnages de jolies filles dans des comédies. Alors, quand ce rôle de juge dans Alice Nevers arrive, je trouve ça intéressant. D'autant plus que j’avais voulu être avocate auparavant, j’avais fait du droit à Assas, et c'est quelque chose qui me plaisait, même si j’avais arrêté assez vite".

    "Mais évidemment, rapidement, on me dit "Non, ne fais pas ça, t'es folle, ne va pas à la télé"", poursuit celle qui aura incarné Alice Nevers durant pas moins de 121 épisodes. "Ça bien changé depuis (rires). Mais j'avais grandi avec les séries, je ne dénigrais pas du tout cela, donc je ne voyais pas pourquoi je n'essaierais pas d'incarner cette héroïne".

    Pour durer 20 ans et 18 saisons, la série produite par Pascale Breugnot puis Vincent Mouluquet aura dû se renouveler, voire se réinventer même, à plusieurs reprises. Davantage encore peut-être que la plupart des autres séries pouvant rivaliser avec cette longévité.

    "Il y a eu énormément de changements au fil de ces vingt ans d'Alice Nevers. Le format bien sûr, car on est passé du 90 au 52 minutes, afin de refléter une tendance et un besoin de modernité. Mais des changements sociétaux aussi", se souvient Marine Delterme. "La série s'appelait au départ "Le juge est une femme", et on a finalement réussi à enlever ce sous-titre il y a quelques années en se battant".

    "Pour être tout à fait honnête, on a proposé de changer le titre il y a longtemps, mais il y a eu une résistance", renchérit Vincent Mouluquet. "Et à un moment donné, nos interlocuteurs à TF1 ont changé, et c'est devenu une évidence pour tout le monde. Le monde de la justice avait muté. Au moment où Marine avait endossé ce rôle, la question se posait, car il y avait peu de juges femmes. Mais il y a eu un renversement en termes d'équilibre et au bout de quelques années ça ne faisait plus sens".

    Christophe Charzat / TF1

    Comment la grossesse d'Alice a ouvert la voie au feuilletonnant

    Passée au format 52 minutes en 2007, au moment de l'arrivée dans la série de Jean-Michel Tinivelli en saison 6, après les départs d'Arnaud Binard et d'Alexandre Brasseur, Alice Nevers a par le suite connu une autre grosse évolution en s'intéressant enfin à la vie personnelle de son héroïne, ce qui a permis d'aller vers le feuilletonnant en toile de fond.

    "Au départ, sur les 90 minutes, c'était une époque à TF1 où les héroïnes devaient être absolument parfaites, c'était une demande de la direction", déplore Marine Delterme. "Pas de mauvaise foi, jamais de colère, c'était des héroïnes assez lisses, parfaites dans leur métier. Et puis, avec les années, je me suis battue en improvisant, en trouvant des choses. Et il y a eu ma rencontre avec Jean-Michel Tinivelli, quand on est passé au 52 minutes. Il y avait ce nouveau souffle et on était tout d'un coup de plus en plus libre".

    Lorsque la star de la série est tombée enceinte, la production a alors eu l'idée d'intégrer sa grossesse au scénario. Enclenchant, sans complètement en avoir conscience, ce qui allait profondément modifier l'ADN de la série et créer un nouvel attachement auprès du public, friand de moments de vies intimes dans les fictions policières.

    "Pascale Breugnot a eu l'idée de faire tomber Alice enceinte, alors qu'à cette époque les héros n'avaient pas de vie privée, car on devait pouvoir diffuser les épisodes dans le désordre", poursuit Marine Delterme. "Alice allait enfin avoir une vie privée, c'était génial. Et heureusement, car je ne serais pas restée sinon. Dix ans d'enquêtes sans vie privée, je ne pouvais pas l'envisager. Et c'est à ce moment-là que la série a encore plus décollé niveau audiences".

    "On a profité d'un nouvel interlocuteur chez TF1 qui était Québécois et avait une culture anglo-saxonne", explique Vincent Mouluquet, qui est devenu producteur sur Alice Nevers au moment du passage du 90 au 52 minutes. "Et cette idée qu'une héroïne puisse tomber enceinte n'était plus du tout un souci donc on s'est engouffré dans la brèche. Vu ce qu'on gagnait en chair sur le personnage, ça a balayé les freins et on est devenu feuilletonnant la saison suivante. Avec comme point de départ fondamental cette grossesse et l'accouchement qui allait clore la saison 8".

    PHILIPPE WARRIN / TF1

    Mathieu, papa par hasard

    Si les fans d'Alice Nevers savent évidemment que le père du bébé de l'héroïne n'est autre que Mathieu, introduit dans le premier épisode de la saison 6 sous les traits d'Alexandre Varga, ils ignorent peut-être que cette intrigue est née d'un pur hasard !

    "Si on décide de proposer à la chaîne de faire tomber enceinte Alice, c'est aussi parce qu'on avait fabriqué un épisode un an et demi auparavant que TF1 n'avait pas encore diffusé. Dans lequel Alice retrouvait son premier amour qui avait disparu. Et elle franchissait la ligne jaune pour passer la nuit avec lui. Cela fait partie de ces hasards un peu cocasses. On a donc dit à TF1 "Si vous acceptez de jouer la grossesse, on a un papa sur votre étagère, il est là quelque part" (rires). Ça a permis de construire la chose, et Alexandre Varga est devenu le père de l'enfant d'Alice sans le savoir", révèle Vincent Mouluquet au sujet de cette intrigue incontournable de la série.

    "Et dans cet épisode, Alice finissait par mettre Mathieu en prison. Elle le faisait donc alors qu'à l'époque on ne savait pas qu'elle serait enceinte. Si on était allé voir TF1 en disant "Notre femme juge va mettre le père de son enfant en prison", je ne sais pas comment la chaîne aurait réagi (rires). Là, c'était une évidence et ça a donné du corps à la série de manière très forte. C'est ce qui nous a permis de la construire sur la durée car on partait avec des arguments puissants et modernes".

    Marine Delterme se dit d'ailleurs très contente de l'intrigue fil rouge qui a suivi sur Alice, Mathieu, et Paul. Et qui, selon elle, a offert à la série l'un de ses questionnements sociétaux les plus intéressants.

    "Cela menait à une question essentielle de la série : quelle place donner à ce père qui est en prison ?", confie la comédienne. "Quand on se sépare du père de son enfant, s'il y a eu des problèmes, c'est très compliqué pour la mère d'envisager la garde partagée quand elle a peur du père pour X raisons. Alice ne sait pas qui il est devenu, c'est quelqu'un de trouble, elle a peur de lui laisser son fils. Il y avait tout cette thématique sur certaines saisons qui était vraiment traitée. On fait un enfant avec quelqu'un et quand on doit laisser cet enfant à l'autre, ce n'est pas toujours facile".

    Alice Nevers, le juge est une femme
    Alice Nevers, le juge est une femme
    Sortie : 1993-11-11 | 52 min
    Série : Alice Nevers, le juge est une femme
    Avec Marine Delterme, Jean-Michel Tinivelli, Laurent Gamelon
    Spectateurs
    1,7
    Voir sur TF1+

    Une histoire compliquée entre Alice et son ex qui a d'ailleurs fini par trouver une conclusion heureuse dans "Cavalcades", le final diffusé hier soir sur la Une. Mais là encore, ce n'était pas gagné. "Sur le final, la résolution lors du mariage était tout d'abord écrite sur le mode de la confrontation avec Mathieu", explique l'interprète de la procureure Nevers. "Et j'ai dit "Non non, quand Alexandre Varga revient, il faut qu'il dise "Maintenant on est une famille, on va arriver à s'entendre et à construire quelque chose de positif"".

    Selon le producteur de la série, c'est réellement l'explosion des séquences de vie privée qui a fait que les téléspectateurs ont eu "un attachement encore plus fort au destin d'Alice". Et les diffusions à l'époque sur plusieurs chaînes du groupe TF1 ont également permis à la série de toucher un public encore plus large. "Cela a créé un renouvellement générationnel du public. On a réussi à rassembler la famille devant la télé, et je pense que c'est pour ça qu'on a duré si longtemps".

    "Tous nos sujets étaient ancrés dans le réel, dans des questionnements liés à l'école, au travail. Et en plus avec un regard humain et un socle familial, certes recomposé, mais qui peut ressembler au quotidien des Français. On a touché les familles au grand complet". Des familles qui se seront passionnées pour la vie et les enquêtes d'Alice Nevers, cette juge, puis procureure adjointe, pas comme les autres. Et qui ont certainement versé une petite larme hier en voyant Alice et Fred se dire enfin "oui", après des années d'amour, mais aussi d'embûches.

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