Soyons clairs dès le début : "L'Enfance d'Ivan" est loin d'être un mauvais film. Cependant, d'Andreï Tarkovski, on est en droit d'attendre beaucoup mieux, et ce même s'il s'agissait de son premier long-métrage. Evidemment, une très synthétique remise en contexte aidera probablement à mieux comprendre le pourquoi du sujet. En tenant simplement compte de la date et du lieu de réalisation de cette oeuvre (1962, Union Soviétique), on se rend compte qu'elle fut réalisée dans un contexte paradoxal avec une tension politique très forte (crise de Cuba) doublée d'un relatif relâchement de la censure (parution d'"Une journée d'Ivan Denissovitch" de Soljenytsine). Le travail de Tarkovski, à l'image du Khrouchtchev d'alors, a un peu les fesses entre deux chaises (pour rester poli) et reste souvent dans le consensuel, sombrant presque dans son propos aux sirènes du réalisme socialiste. Car même si le dernier tiers et la dénonciation des horreurs de la guerre (vue par les yeux d'un enfant, ce qui inspirera fortement le travail d'Elem Klimov ensuite) ne rentre pas dans le domaine d'une honteuse propagande, on y décèle tout de même une exaltation des valeurs patriotiques Russes et du courage, du sacrifice, du sang versé face à l'envahisseur Nazi, etc... Bizarrement, sur le fond comme sur la forme, "L'enfance d'Ivan" évoque Mikhaïl Kalatozov (un compliment dans la bouche de certains, pas la mienne) à savoir que la caméra est fatigante à défaut d'être virevoltante, que le montage est trop haché, la symbolique trop présente, le lyrisme excessif et la photographie très décorative. Néanmoins, malgré ses tares, le film demeure tout à fait agréable notamment lors de séquences annonciatrices de ce que sera le style Tarkovski : posé, réfléchi, lent et entraînant où l'étrangeté des décors et la beauté d'images très travaillées (pas léchées) sert remarquablement d'atypiques et torturés essais aux prétentions philosophiques la plupart du temps justifiées. Préférez "Stalker" ou "Solyaris".