Résonne les mots de remake et d’adaptation… Si Fincher n’était pas le metteur en scène, nous serions en mesure de nous demander si, film de commande, n’étaient pas les mots les plus adaptés. Or, dès la sortie du livre, le projet a effleuré les mains du réalisateur. On s’arrêtera donc sur l’adaptation du best-seller, qui plus est, par un maître du genre (Seven, Zodiac), voir le réalisateur ayant à lui seul relancé le genre.
En outre, les derniers projets de Fincher étant largement attachés aux studios (The Social Network) nous étions en droit d’émettre une douce réserve sur le produit final.
La réponse peut être donnée dès le générique d’ouverture, oui, la nouvelle adaptation de Millénium par Fincher sera faite de latex, sexy, viscérale, 2.0 et noire. En somme une claque dès les premières images. Le réalisateur sait que cette fois son arme principale ne sera pas forcément le scénario, découvert autant sur le plan littéraire, cinématographique que télévisuel. Reste alors au metteur en scène de tout mettre en œuvre pour nous faire redécouvrir cette œuvre récente. Et là, une fois de plus, le génie de Fincher nous saute au yeux et ce avec le plus grand des plaisirs, celui de la maturité. Fini le temps des caméras qui passaient au travers une cafetière, les effets de style ne servant pas le fond et donnant une note d’esbroufe au film. Non ici, Fincher grandit et ce de film en film. Il donne un ton viscéral au mal sous les airs glacials de la Suède. Nous y sommes, le décorum ne trompe plus, et Fincher utilise cette fois les effets spéciaux dans un but de pure mise en scène (souligner le froid, donner des indications temporelles et géographiques soutenues). Egalement preuve d’une maturité avenante, celle de l’émotion, il réussit à créer plus d’émotion tout au long du film (avec un final appuyé sur ce point) là où Benjamin Button en demandait plus et où Fincher avait totalement échoué sur le fond.
Millénium est un grand thriller dérangeant où tout est mis en œuvre pour un projet unique. Une bande son magnifique de subtilité donnant en parfait équilibre une saveur particulière au film ; propre à l’identité des deux compositeurs et de Fincher. Le casting, qui mêle sexy et icône, alors que le papier pouvait laisser entrevoir des doutes, Rooney Mara dégage cette étrange attirance que le personnage de Stieg Larsson avait écrit, tandis que Daniel Craig campe parfaitement son personnage. C’est dans un délice glacial que l’ensemble se laisse découvrir, nous envahit, nous emporte comme si un univers nouveau s’offrait à nous, emprunt d’une signalétique connue mais peint par un nouveau maître. Fincher avec ses mains de velours et son travail acharné (trop ?) offre à Millénium une réelle adaptation magnifiée de sa patte.
Le film prend alors les couleurs des mots de l’ouvrage et l’emprunte du réalisateur qui se devait de réaliser cette œuvre, tant par son talent que par sa maîtrise du genre.
Ce que Fincher avait perdu sur Benjamin Button il le retrouve de façon mature et plus personnelle au sens où, cette fois, il nous offre un début d’émotions sincères, mise enfin en scène, ce qui lui manquait parfois.
C’est un début sur ce plan, une confirmation sur le reste, on attend avec enthousiasme la suite qui fera sans nul doute entrer définitivement Fincher dans la cour des grands, tant il en a pour l’instant l’assise. A défaut il est au cinéma moderne ce que la vague des années 90 a fait naître de mieux.
http://requiemovies.over-blog.com/