Si l'on peut reconnaître une qualité à cette adaptation du chef d’œuvre de Louis Pergaud, c'est bien le je des acteurs, qui réussissent à donner une humanité à leurs personnages. Car que reste-t-il du livre dans cet essai de transposition au temps de la guerre d'Algérie ?
Pour ceux, nombreux certainement, qui ne l'ont pas lu, je résume. "La guerre des boutons" de Louis Pergaud est une épopée tragi-comique mettant en scène des petits paysans de la France rurale de ce que la bourgeoisie a appelé "la belle époque". Ce qui frappe à sa lecture, c'est la violence ordinaire, entre eux, qui n'est que le reflet de celle dans laquelle leurs parents les élèvent, sur fond d'inimitié traditionnelle entre villages voisins, accentuée par le fait que Velrans est bleu avec son école catholique et Longeverne rouge, avec son école laïque où un instituteur d'âge mûr guère plus doux que les parents enseigne à ses élèves le catéchisme républicain auquel ils ne comprennent rien. Une caricature, sans doute, mais d'une école que l'instituteur Louis Pergaud connaît mieux que personne, dans la campagne jurassienne de son temps. Et si le raffinement de la guerre entre gamins est de s'attaquer aux boutons des prisonniers, c'est que le vêtement est rare et précieux et que rentrer chez soi sans bouton c'est l'assurance d'une sérieuse râclée. Et si les Longevernes tentent l'expérience de combattre nus, c'est pour se protéger de ce risque. Tout cela est parfaitement cohérent parce que c'est vrai. Pour faire rire, il ne reste qu'à grossir un peu le trait et à parodier le ton de l'épopée.
Rien au contraire n'est vrai dans ce film, et surtout pas cette école, qui y tient pourtant une grande place. Mon âge me permet de vous garantir qu'en 1960, dans aucune école de village, surtout à classe unique, on n'enseignait la définition de l'oxymore et qu'aucune examinatrice n'y venait un dimanche interroger un bon élève (sur cette définition et autres sottises) pour décider de lui accorder la bourse avec laquelle il quitterait, en pleine année scolaire, son école pour le collège. Le reste est à l'avenant, ni vraisemblance ni cohérence. A l'image du drapeau cousu par Lanterne (qui n'existe évidemment pas dans le livre) un patchwork de séquences se référant vaguement au livre ou au film d'Yves Robert, conditionnées pour inviter les adultes d'aujourd'hui à s'attendrir sur ce mioches sympathiques.