Germain Germain (sic), écrivain raté et prof de français désabusé, la cinquantaine, est marié à Jane, Anglaise, âge en rapport, bréhaigne, et sur le point de devoir quitter sa galerie d'art contemporain qui vivote, les héritières de son bailleur de fonds ayant décidé dès leur père enterré d'en récupérer le local. Une nouvelle rentrée des classes, routine et ennui pour le grand lecteur qui a passé son été avec Schopenhauer - si, une nouveauté : le lycée de province où il enseigne teste le retour de l'uniforme. Voilà qui ne peut qu'accentuer l'aspect moutonnier et interchangeable des "apprenants", comme les désigne le jargon impayable de l'Education nationale. Cependant se détache d'emblée dans son auditoire morose de gamins décérébrés par les nouvelles technologies et l'abus de télé un blondinet installé au dernier rang : il lui rend en effet une rédaction ("racontez votre dernier week-end") surprenante, et par la qualité de l'expression, et par le ton, et par le sujet. L'ironie, la causticité du court récit piquent et ravissent l’enseignant, qui entreprend aussitôt de donner au garçon, Claude, 16 ans, des cours particuliers quasi quotidiens destinés à développer un potentiel très encourageant. Mais les rôles ne sont pas forcément distribués comme on pourrait s’y attendre : Germain en mentor (ou en Pygmalion) et Claude en disciple. Le garçon s’est trouvé un « meilleur ami » à façonner, Raphaël dit « Rapha », sélectionné parce que « normal » (fils unique d’un couple aimant de la « classe-moyenne », « Rapha » senior et Esther), observé d’abord de loin longuement avec l’acuité d’un entomologiste (assis sur un banc du jardin public faisant face au coquet pavillon familial) et séduit bientôt par un soutien bienvenu en maths, matière dans laquelle il est complètement largué. Claude entre donc « dans la maison », pour une étude de mœurs mâtinée d’éducation sentimentale, qu’il livre à petites doses au prof sous forme de feuilleton. Luchini étincelle dans un rôle sur mesure (où il ne fait jamais du « Luchini », c’est-à-dire qu’il est sobrement parfait dans son costume de « Germain », créateur par procuration) et le jeune et prometteur Ernst Umhauer (qui n’a semble-t-il d’allemand que le nom) campe un Claude au physique angélique mais diablement inquiétant (ah, cette lueur qui s’allume dans ces yeux clairs !), manipulateur sur tous les plans, dans la maison d’abord, façon « Théorème », comme auprès du « maestro » (comme il appelle Germain avec désinvolture), en écho. Le reste de la distribution est également digne d’éloges, comme la famille « Rapha » (Denis Ménochet, Emmanuelle Seigner, Bastien Ughetto), l’épouse confidente de Germain (Kristin Scott-Thomas) et même les rôles épisodiques, comme le proviseur (Jean-François Balmer) ou les « jumelles » (Yolande Moreau). Pourtant le cru 2012 n’est pas un Ozon d’exception : en plus des qualités donc de l’interprétation (et de la direction d’acteurs qui la sous-tend) même si certains dialogues font mouche (qui dénoncent par exemple avec pertinence et malice les travers de l’art moderne), même si le tout se laisse regarder sans déplaisir (et en riant souvent d’ailleurs), cela paraît un rien inabouti, un rien paresseux.