L'air déchaîné faisait s'envoler les pages de Paul Valéry, mais alors que devait faire le poète tandis que son oeuvre disparaissait? Bien plus que son oeuvre, c'était sa prétendue vie entière qui s'écroulait, sans papier ni stylo, que devait-il faire, surtout qu'était-il capable de faire. C'est cette peur d'écrire, non pour atteindre une fin morale mais simplement pour se dissuader de vivre, parce qu'il est plus facile de rester dans ses rêves enfantins que d'affronter les vicissitudes de l'existence, qui est mise en avant. Là réside le problème, "il faut tenter de vivre" mais quelle est cette vie à laquelle nous sommes censés nous abandonner? Les perspectives se dessinent comme le rêve d'enfant occulté par le désastre induit. Ce n'est pas cela vivre, il semble au contraire que ces rêves nous détruisent, tout comme ils nous poussent à détruire, oubliant leurs conséquences, prétextant leur supériorité, leur désintéressement, enfin leur innocence. Quel est donc ce binoclard idiot prêt à faire mourir sa femme, à donner sa vie à la guerre, simplement parce qu'il est passionné d'aéronautique. Il n'en est que plus détestable. Une autre voie se trouve dans l'amour, "il faut tenter de vivre" alors embrassons sous toutes ses formes le mouvement même de la vie. Mais voici qu'encore une fois, l'échec est patent, l'amour s'évanouit dans sa caricature, dans sa vulgarisation et s'achève par un décès. C'est bien une oeuvre troublée qu'offre ici Hayao Miyasaki, à la fois réflexion sur sa propre place, le sens de son oeuvre - n'est-il pas finalement lui aussi ce passionné d'aéronautique oubliant ses destructions pour contempler l'objet crée, prétendu gage d'accomplissement - mais également sur ce qu'il lui reste à faire. Le vent c'est la vie, la vieillesse ronge, les feuilles s'envolent, il faut désormais songer à faire autre chose, dire adieu au cinéma, mais alors comment tenter de vivre? La réponse n'est pas apportée et c'est certainement là la grande force du film, manifeste lors de son final, que de rester dans l'indétermination tout en faisant sentir l'ambiguïté même de l'existé. Il faut cesser de se cacher, affronter la vérité de son oeuvre, mais par la même ne jamais la renier, le rêveur commence à vivre pleinement lorsqu'il perçoit l'absurdité de son entreprise; alors que faire? Pourquoi pas continuer. Cette absurdité apparente n'atteste en réalité que d'un dépassement; et ce dépassement, pressenti lors du final, c'est le souffle vital.