Après trois premières réalisations d’une insolente réussite, le nouveau produit "made in Ben Affleck" était attendu au tournant. Eh bien, il paraît difficile d'être déçu si on prend la peine de passer en revue tous les petits détails. S’appuyant sur le roman éponyme de Dennis Lehane, ce "Live by night" est dans les faits le deuxième film de gangsters après "The town". Alors que ce dernier se situait dans une époque de nos jours, "Live by night" nous replonge dans l’ère de la prohibition, et parait de ce fait un projet aventureux pour la bonne et simple raison que nous avons eu droit à bon nombre de productions portées sur la même époque, certaines obtenant un succès retentissant à la clé. La reconstitution se devait donc d’être irréprochable, et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’elle l’est : les costumes ont été reconstitués avec le plus grand soin tout en tenant compte des styles inspirés par les lieux géographiques et de leur climat ; les véhicules, habituellement de couleur noire ou tout du moins sombre, ont été triés sur le volet pour représenter au mieux l’ascension de leur heureux propriétaire. C’est ainsi que nous voyons entre autres une décapotable Franklin de 1928 (je veux la même !!), ou encore une Lincoln Model K de 1931 (je la veux bien aussi !!!). Leur beauté, leur état neuf comme si elles sortaient de l’usine forcent les amoureux des belles mécaniques d’antan à avoir un œil contemplatif et… admiratif, et pourraient même faire pâlir de jalousie les collectionneurs ! Equipés pour la plupart de leurs pneus à flanc blanc, les modèles sont nombreux, et nous gratifient d’une course poursuite spectaculaire ! Franchement ça fait quand même mal au ventre de voir ces véritables pièces de collection finir cabossées, trouées par des rafales d'armes à feu, et même pire. Les accessoires contribuent également à l’illusion du retour au cœur des années de la prohibition (qui a duré, pour rappel, de 1919 à 1933). Et puis surtout, les décors parachèvent le boulot de manière admirable : le tripot clandestin, les bureaux luxueux des grands patrons mafieux, les enseignes désormais résolument vintages… En résumé, on s’y croirait, et nul doute qu’une grande partie du budget a été engloutie dans la reconstitution de l’époque. Au vu de la bande annonce, il est compréhensible que le spectateur attende de l’action. Il y en a, mais peut-être pas autant qu’on aurait pu le croire. Si les scènes d’action sont parfaitement chorégraphiées et dotées d’une bande son bien répartie (et encore, je n’ai pas vu ce film dans la meilleure salle acoustiquement parlant), notamment lors des fusillades, l’accent a davantage été mis sur les dialogues. Particulièrement ciselés par le choix des mots, ils reflètent parfaitement les pressions exercées, les menaces émises, la tension, et l’irrésistibilité de la corruption. Le poids des mots fait son travail de sape, et finit de prendre sa pleine mesure grâce à l’interprétation accomplie des comédiens, à commencer par le très convaincant Robert Glenister dans la peau d’un Albert White si froid qu’il vous en glacerait le sang ! Quant à Ben Affleck, il fait bien le boulot, aidé par sa mâchoire carrée qui lui donne une sacrée stature, laquelle lui confère une belle présence (concrétisée notamment par de somptueuses confrontations avec le chef mafieux italien Pescatore), cependant son personnage manque parfois de consistance ; et avec un peu de recul, son personnage parait un peu trop linéaire. Cela peut être vu comme un défaut, mais après tout, il est possible qu'il soit conforme à la psychologie du personnage décrite dans le bouquin. Autre présence remarquée, celle de Chris Messina en bras droit de Joe Coughlin qui nous gratifie de quelques petites banderilles humoristiques ici et là (mais qui restent trop rares, quand même, je préfère le préciser). Par ailleurs, on ne sera pas indifférent au charme de Sienna Miller, même si elle se fait voler la vedette par la chute de reins vertigineuse de Zoe Saldana, filmée très à son avantage ! Pour finir, il est normal que le rythme soit inégal. C’est ce qui arrive quand on alterne des scènes d’action rondement menées avec des dialogues pointus dans le vocabulaire, jusque dans la tournure des phrases. Cependant quelques rares petites longueurs se font ressentir ici et là, notamment lorsque Joe Coughlin est en grande discussion sous une tente de réception avec Loretta Figgis, jouée par Elle Fanning toute en finesse. "Live by night" est donc indéniablement un bon film, mené avec maîtrise tant il est empreint du désir de bien faire, et ça se ressent dans la précision de la mise en scène. Esthétiquement, il n’y a rien à redire non plus, l’image est belle et se prête à une belle photographie. On appréciera aussi quelques plans du cinéaste particulièrement bien trouvés, comme celui où on voit l’œil gauche d’un gangster parfaitement aligné avec un impact de balle. Alors certes "Live by night" ne révolutionne pas vraiment le genre en empruntant un peu des différents styles ayant déjà existé auparavant (dont le scorsesien), d’autant plus qu’il ne bénéficie pas d’une bande originale mémorable (elle passe même plus ou moins inaperçue), mais se révèle suffisamment prenant, voire même par moments carrément poignant pour passer sans encombre les 129 minutes. Voici comment je vois la chose : maintenant, à vous de vous faire votre propre idée…