Polar, drame, film de mœurs, film de société... "Mistery" joue habilement avec les genres sans jamais dérouter le spectateur. Il faut dire que si on suit sans déplaisir mais d'un œil plus ou moins attentif l'intrigue policière ou l'histoire d'adultère qui sont au cœur du film, c'est bien entendu la peinture en filigrane de la Chine d'aujourd'hui et des transformations qu'elle est en train de subir qui fascine et intéresse. Des transformations qui ont déjà eu lieu, comme notamment l'écart grandissant entre les (très) riches et les (très) pauvres. Cela dit, s'il critique allègrement et frontalement les nouvelles valeurs de la société chinoise moderne (en gros, le pognon et le sentiment d'immunité matérielle et même morale qu'il engendre), Lou Ye n'y va pas non plus de main morte avec les traditions confucianistes, notamment celles qui imposent le respect des aînés. A cet égard, les deux portraits de mères, douairières, qu'il brosse en arrière-plan (la mère qui encourage son fils dans sa double vie par son désir égoïste d'avoir un petit fils, la mère qui accepte la compensation financière enterrant ainsi l'enquête concernant la mort de sa fille) sont assez édifiants. Et puis, on sent que pour Lou Ye, d'autres transformations, plus profondes et qui n'ont pas forcément encore eu lieu, sont souhaitables. Dans le domaine de l'égalité des sexes, par exemple. Devant sa caméra et sous le prétexte de l'histoire de couple(s), les femmes, soumises, bafouées, utilisées, s'émancipent et prennent leurs responsabilités. A l'inverse, les hommes, sûrs d'eux en apparence mais couards en réalité, n'assument jamais leurs actes. Là encore, le comportement du mari volage, père modèle dans sa famille "riche" et tyran domestique dans sa famille "pauvre", est édifiant. Finalement, la fable de Lou Ye, bien que foncièrement chinoise, charnellement chinoise, n'en a pas moins un écho universel. "Selon que vous serez puissant ou misérable...".