Au cinéma, il y a des réalisateurs qui se répètent. Certains par paresse et par facilité et opportunisme des deux défauts sus-nommés (Michael Bay ou Luc Besson). D’autres parce qu’ils ont leur patte et que d’apparence, leurs films se ressemblent (David Fincher, Darren Aronofsky, Terrence Malick ou Chris Nolan), d’autres encore parce qu’ils ont leur univers, leur narration singulière, leur folie intérieure comme c’est le cas, par exemple pour Terry Gilliam.Il est certain qu’il y a comme un air de famille entre Zero Theorem et Brazil, L’Armée des 12 Singes et Las Vegas Parano. Personnages, fragiles physiquement ou psychologiquement, perdus au milieu d’un univers qui les dépasse. Trips à la limite du shoot de drogue massif hallucinogène, à la frontière de la réalité virtuelle, temporelle, cérébrale, les films de Terry Gilliam ont cette magie britannique de folie décalée, de douce dinguerie voire même de névrose inquiétante parfois qui plonge leur principal personnage dans un monde inconnu qui les déroute totalement avant de les transcender. Sam Lowry, Raoul Duke, James Cole, Qohen Leth et même le Roi Arthur lui-même peuvent en témoigner.Parfois noir, sale et dérangeant, Terry Gilliam ne s’embarrasse pas de considérations et sait créer des univers singuliers qui n’appartiennent qu’à lui. Il a inspiré nombre de réalisateurs qui lui rendent encore aujourd’hui de reconnaissants hommages. Ainsi, si Zero Theorem a pu être décevant pour certains, il n’en a pas du tout été le cas pour moi.Loin d’être certes aussi abouti qu’un Brazil ou qu’un de ses glorieux ainés, le distopique Zero Theorem, avec les faibles moyens qui lui ont été attibués, se hisse largement parmi les films les plus sympathiques et étrangement agréables de Terry Gilliam.Zero Theorem se fout des conventions. De la musique à l’ambiance, de la masse incommensurable d’idées et de trouvailles, on ne se lasse pas des décors à l’opposée totale des futurs de cliniques d’hôpitaux qui plaisent tant aux studios. Ce bordel total, cet empilement et superpositions foutraques de tenues excentriques, de panneaux publicitaires envahissants, de bureaux colorés shootés au dragibus et de la dinguerie ambiante qui sommeille en chaque personnage dont les interprètes prennent vraisemblablement un plaisir sans fin à tourner avec un tel virtuose est un régal pour qui arrive à s’y plonger.Ainsi entouré de couleurs et de douce folie, le personnage de Qohen n’en apparait que plus triste, plus éloigné de ce bonheur artificiel qu’il refuse d’embrasser. Zero Theorem se classe ainsi en dehors de tous les sentiers battus par un Hollywood formaté, le récit ne se plie pas à la sacrosainte règle « il faut tout expliquer à la fin », Zero Theorem est ce que j’aime souvent dans les films, une tranche de vie sans vraiment de début, sans vraiment de fin. Avec mille questions, mais peu de réponses. Un film à l’image de la vie. N’écoutez pas les mauvaises critiques, comme la vie, Zero Theorem mérite d’être vécu.