Malgré qu’il ait été présenté au festival de Cannes cette année (dans la sélection “Un certain regard”), “Les salauds” n’est certainement pas un film estival. Le nouveau film de Claire Denis, qui réunit de nouveau Vincent Lindon et Chiara Mastroianni, après leur récente association dans le film “Augustine”, déstabilise et ouvre les portes d’un cauchemar magnétisant.
Il y a eu “Holy motors” l’an passé, il y a désormais “Les salauds” : Chaque année, le festival de Cannes sort de son chapeau un film dont on ne sait pas quoi penser en sortant. Je vous avoue ne pas encore savoir quelle note je vais attribuer au film à la minute même où je commence à écrire ma critique. Le film est si décousu et si puissant à la fois qu’on ne sait pas s’il est une maladresse à lui tout seul ou s’il est la traduction du génie torturé de la réalisatrice.
“Les salauds” est un film déstructuré, les liens entre chaque scène ne sautent pas aux yeux et à certains égards, cela est gênant. En effet, c’est toujours frustrant de se demander, à la fin du film, quelle était la place, l’importance et l’enjeu de telle ou telle scène … Néanmoins, même lorsqu’il ne se passe pas grand chose, la musique est envoûtante et l’absence de dialogues laisse planer une atmosphère énigmatique. “Les salauds” suggère plus qu’il explique. Le non-dit a une place prépondérante dans ce long-métrage.
Le duo Lindon – Mastroianni fonctionne bien, mais on aura maintenant du mal à imaginer l’un ou l’autre jouer dans un film joyeux. Les moments de séduction entre ces deux protagonistes sont joliment joués, même si beaucoup s’insurgent du manque de féminité de Chiara Mastroianni face au souvenir d’une mère (Catherine Deneuve) bien plus sensuelle à l’époque.
Je ne vais pas vous en dire beaucoup sur la teneur même du film, mais sachez qu’il ne laisse place à aucune éclaircie. Avec Claire Denis, noir c’est noir ! Tout y passe : suicide, tentative de suicide, drogue, faillite, mafia, violence physique, inceste … Pas de quoi séduire les vacanciers qui s’aventureraient au cinéma, et pourtant, le film dégage tellement d’effroi qu’il finit par plaire.
“Les salauds” sera certainement le film le plus glauque de l’année. Perturbant au possible, il bouleverse les codes du thriller classique et mérite d’être considéré comme un film notable, à l’échelle d’un été 2013 pauvre en bons films.