Lorsqu'on a visionné les cinq chef d'oeuvres (à mon sens) de ce cinéaste exceptionnel (à mon sens), de ce génie (l'avenir me donnera raison...) qu'est Christopher Nolan, on ne peut que regretter de voir seulement cinq éléments à sa filmographie. Cinq? C'est sans compter ce "Following", obscur long métrage en noir et blanc, à la réputation de film d'auteur déjà déroutant. Il est frappant de constater que les principales caractéristiques des films de Nolan (chronologie embrouillée, ambiance psychologique, coup de théâtre final) sont d'ores et déjà présentes dans cette pemière oeuvre. Comme dans tous les Nolan, le film débute sur une idée originale (un homme a pour obsession de se mettre à suivre des inconnus dans la rue...). Cette idée est intégrée dans une narration non linéaire, comme plus tard dans le Prestige: le spectateur suit le déroulement d'une histoire sur plusieurs niveaux temporels. L'ambiance est noire (adée par la photographie, sobre et monochrome), psychologique, tendue. Enfin, Nolan gratifie le spectateur d'un coup de théâtre surprenant et ambigü, qui bouleverse la manière dont on considérait le film, et incite à le revoir pour en comprendre les subtilités. Seulement voilà: je n'ai personellement aucune envie de revoir ce film. Et si je loue son intelligence, je m'y suis plus ennuyé qu'autre chose. Pour moi le défaut majeur du film réside dans ses personnages, tellement froids et vides d'une quelconque once d'humanité que l'empathie est impossible pour le spectateur. Et l'empathie avec un personnage est une condition sine qua non pour pouvoir être captivé par un récit, Nolan l'aura compris par la suite. Ici le spectateur garde une distance avec les personnages, les regardant parler et se mouvoir comme des automates, comme un spectacle extérieur, sans parvenir à vivre l'intrigue avec eux. "It is inhuman to be so cold", dira par la suite un personnage dans le Prestige du même Nolan, cette citation peut s'appliquer à ce film. De plus, Nolan gère son suspense avec beaucoup moins de brio que d'habitude, le spectateur assiste avec un intérêt limité à ces tergiversations aparemment sans fondements ni finalités. Le film ne prend un intérêt véritable qu'à la lumière de son twist final. Comme son nom l'indique, il n'apparaît qu'à la fin: tout ce qui se trouve avant est peu passionnant. Il manque à ce film un fil conducteur scénaristique en plus d'un fil conducteur émotionnel; une fois encore Nolan dotera ses films suivants d'une narration plus efficace. Un film intelligent néanmoins, qui surprent (à la fin) par l'ingéniosité de son scénario. On peine néanmoins à reconnaître dans ce film le réalisateur qui, plus tard, sera responsable du brio novateur de Memento, du suspense labyrinthique du Prestige, de l'univers génial d'Inception ou de l'humanisme de Batman Begins. Ses chef d'oeuvre sont à chercher à partir de Memento, ce "Following" reste un pur exercice de style. Un exercice de style intelligent, certes, mais aussi désespérément froid et bavard.