Prétendant officiel au titre de meilleur premier film français de l’année récemment écoulée, Les Combattants, de Thomas Cailley, offre une vision plutôt réjouissante de ce que pourrait être le futur du cinéma hexagonal. Indépendant, touchant, parfois drolatique, le film marque de par son approche très intimiste d’une romance adolescente bien plus ambiguë qu’escomptée. Cela découle sans le moindre doute des interprétations admirables des deux jeunes comédiens qui composent les personnages d’Arnaud et de Madeleine, respectivement Kévin Azaïs et Adèle Haenel. Chacun pourvu d’un tempérament bien à lui, étant tous les deux à la recherche d’une identité définitive, ils s’engageront côte-à-côte pour un stage de l’armée de terre, rêve de gosse ou pessimisme obligeant pour madame et attirance et curiosité pour monsieur. Quoiqu’il en soit, les choses évolueront d’une bien étrange façon.
L’attirance respective dont font preuves les deux jeunes adultes est clairement le moteur narratif du film de Thomas Cailley. Dès lors, le cinéaste, lorsqu’il tente de s’éloigner un peu de ses deux protagonistes, démontre quelques approximations, incapable de sortir du strict cadre de sa romance. Du coup, ce stage militaire si prometteur, sur le papier, prend de simples airs d’alibi, ne laissant qu’une place minime à toute parenthèse documentée, à toute volonté d’élargir un peu le propos. On aura compris, au fil des interventions, l’envie d’indépendance contagieuse de Madeleine, son pessimisme quant à la l’avenir de la planète. Sur ce fait, les deux jeunes tourtereaux apprendront à se connaître en se mettant à l’épreuve, forme d’auto flagellation qui pourtant rapproche plus que jamais les deux insouciants.
Les interventions d’Adèle Haenel restent tout de même le clou du spectacle, l’actrice incarnant une curieuse demoiselle, semi garçon manqué, semi féministe. Kévin Azaïs, de son coté, rivalise de par sa pudeur, son humanité. Le duo fonctionne parfaitement, sans doute mieux qu’escompté. Mais pour que cela fasse son petit effet, il fallait aussi un cadre réaliste, dans lequel nous aussi pouvons-nous fondre. L’armée de terre, modèle choisi ici pour créer l’émancipation des deux amoureux improbables, symbolise la forme d’autorité qui manque à leur vie individuelle. Pour autant, celui-ci ne peut rien faire de cette envie de liberté prédominante. L’amour est alors plus fort que tout, même si ici cela ne semble pas évident. Nous sommes à des années lumières de la comédie romantique traditionnelle, et c’est tant mieux.
Voilà donc un premier essai pour le moins convaincant, qui aurait pourtant gagné à s’étoffer d’avantage. Notons que si le final est mouvementé, le cinéaste ne maîtrise qu’assez peu les effets qui en découle. N’en voulons pas à Thomas Cailley et son amateurisme logique, le cinéaste débutant offrant là une très belle approche du cinéma contemporain, quelque part très inspiré par le vague du cinéma indépendant américain qui cartonne tous les ans à Sundance. Les vrais gagnants sont pourtant ici les comédiens, sans qui rien n’aurait été aussi bien considéré par les critiques et le public. Prometteur. 13/20