Filmer une histoire d’amour entre deux jeunes gens très différents, dans le monde particulier de l’armée est une gageure pour Thomas Cailley. Pour ce faire, il s’appuie sur un casting soigné avec Kevin Azaïs et Adèle Haenel. Cette dernière incarne parfaitement Madeleine, avec son air buté, ses sourcils froncés, sa voie grave et ses manières brusques. Elle rappelle, dans un genre pas si différent que cela, le rôle d’Agnès Le Roux qu’elle incarne dans « L’homme qu’on aimait trop ». Sauf que dans ce film là, au contraire de celui de Téchiné, elle ne joue que sur ce registre ou presque, très peu d’émotion dans son interprétation, au contraire de son partenaire que l’on sens toujours à fleur de peau, parfois même un peu trop (il fait un peu « tendre » dans l’environnement militaire !). En fait, c’est lui qui apporte la sensibilité et les sentiments dans « Les combattants », bien plus qu’elle et bien plus que les seconds rôles qui sont soient inexistants, sois carrément sous-écrits. L’action se focalise que cette étrange histoire d’amour à laquelle, il faut bien le dire, on a beaucoup de mal à croire. Ils sont tellement différents, elle est tellement trop « tout » qu’on ne commence à y croire un peu que dans le dernier quart d’heure, une fois que le rapport de force entre eux s’est un peu inversé. La réalisation est tout à fait honorable pour un réalisateur encore assez inexpérimenté, l’habillage musical ne passe pas inaperçu, intéressant même… Là où je suis un peu plus circonspecte, c’est sur le scénario et sa progression. J’ai un peu perdu le fil vers les 2/3 du film, à partir du moment où le couple est en mode « survie » à deux, où j’y croyais à moitié et pendant lequel je ne voyais pas où le scénario tentait de m’emmener. Tout le début avant l’armée est intéressant et sans longueurs, même si le discours catastrophiste de Madeleine prête quand même gentiment à sourire. En fait, Madeleine n’a aucun gout pour la chose militaire, pas plus qu’Arnaud d’ailleurs (encore que, de ce point de vue, il apparait plus à sa place quelle !), c’est une individualiste persuadée que la fin du monde est imminente et qui n’a pas d’autres buts dans la vie que d’y survivre, ce qui est d’une tristesse désespérante. Il y a dans son personnage excessif une solitude et une souffrance qui aurait pu être mieux exploitée, qui aurait mérité d’être creusé. Le passage à l’armée est finalement celui qui passe le mieux, celui qui est le mieux écrit et le plus crédible, un peu court à mon gout alors que la bande annonce laissait penser le contraire. Il y a aussi bien moins d’humour dans « Les combattants » que la bande annonce ne le laisse penser, et c’est un peu dommage. La fin des « Combattants » est un peu abrupte, pleine d’espoir et de résignation à la fois, un peu déconcertante, à l’image d’un film étonnant, qui comporte autant de défauts que de qualités…