Distingué à Venise et à Namur, le film de ce chef opérateur diplômé de la Fémis oscille entre fiction sociale et documentaire. Avec réalisme, humanité et férocité parfois, il dresse le portrait d’une famille et d’un homme au bord du point de rupture. Les trois personnages principaux jouent leur propre rôle. En effet, la scénariste, amie de Dominique Leborne, connaissait bien les difficultés qu’il traversait, entre son boulot de marin épuisant et chronophage et ses deux adolescents livrés à eux-mêmes pendant ses absences répétées… Elle a donc, avec l’accord et l’aide des protagonistes, réécrit les passages marquants de cette vie chaotique qu’ils ont accepté de revivre, sous le regard bienveillant mais sans complaisance de Samuel Collardey. De quoi est-il question précisément ? D’un père marin (le « grand métier » comme il dit), contraint par les services sociaux d’aménager son emploi du temps professionnel s’il veut conserver la garde de ses deux enfants. Sauf que la pêche n’attend pas et que le patron de Dom ne l’entend pas de cette oreille. Licencié, sans boulot, sans argent, sans chauffage, sa fille et son fils sont donc confiés à leur mère. Dominique va TOUT faire pour améliorer ses conditions de vie, en finir avec cette misère et retrouver la dignité qu’il pense avoir perdue… Mais le chemin est long et semé d’embûches. Tout d’abord, car l’exercice était périlleux, je précise que ces trois comédiens amateurs sont incroyables de justesse. La mise à nue est impressionnante et courageuse. Ensuite, le réalisateur ne cherche pas à rendre Dominique sympathique. Parfois irresponsable et immature, on se dit qu’il mérite un peu ce qui lui arrive. Mais son courage, sa détermination et sa volonté inépuisable de s’en sortir forcent l’admiration. Par son naturalisme revendiqué, la frontière entre fiction et réalité se brouille souvent, ce qui donne à TEMPÊTE une force émotionnelle peu commune. Une expérience à partager, un voyage agité en perspective.