Disons-le d’emblée, "Dilili à Paris" va diviser les amateurs des créations de Michel Ocelo.
En premier lieu, le choix esthétique risque d’en rebuter plus d’un. Si le graphisme dans ses œuvres a toujours été très marqué, il ose un pari risqué, montrer les rues et monuments de Paris en qualité très proche de la photo, dans des tons ocres ou grisâtres. Ces décors souvent totalement figés sont très réalistes puisque peints sur de véritable photos sur lesquels les éléments modernes ont été retirés.
Les personnages sont colorés, dans un style qui dénote avec le réalisme des décors. Ils évoluent sur ces fonds statiques et leurs mouvements et couleurs les mettent énormément en valeur.
Le rendu visuel reste tout de même cohérent et c’est un bonheur de voir une compilation du meilleur de l’architecture de la Capitale lors de la belle époque. L’art nouveau est présent partout et les plus belles réalisations sont montrées (Hôtel céramique de Jules Lavirotte, castel Béranger d'Hector Guimard, la tour Eiffel…) ainsi que les plus grands artistes de cette période (Renoir, Rodin, Monet, Picasso, Toulouse-Lautrec, Proust…).
Et les femmes dans tout cela ? N’ayez crainte, le film est totalement et ouvertement féministe et nous montre les prémices d’une ère où les femmes commencent à s’émanciper et accéder à des rôles et postes jusque-là réservés aux hommes.
Ainsi nous avons le plaisir de croiser Louise Michel, Camille Claudel, Marie Curie, Sarah Bernhardt, Emma Calvé…
Le thème est très actuel, malheureusement, il manque un brin de cette subtilité et de la poésie qui enchantaient dans Kirikou.
Reste tout de même une belle fable visuelle et un conte humaniste qui s’attaque aussi au racisme avec notre héroïne kanake, métisse qui est rejetée en Nouvelle Calédonie car elle est trop blanche et en France car elle est trop noire.
La construction du film est tel un jeu de piste haletant à la Jules Verne, avec des moyens de locomotions variés, parfois spectaculaires, dans les airs et sous la terre.
Cette visite guidée de Paris va mettre à mal les mâles (maîtres, nom de ce groupuscule qui en dit long).
Ne boudez pas ce voyage dans le temps qui donne envie de s’endimancher et d’aller dans un beau zinc pour prendre une absinthe et participer à des conversations enjouées et constructives.