Comme relativement peu de leurs films arrivent jusqu’aux salles de cinéma belges, on a tendance à réduire les cinématographies de l’est à quelques clichés superficiels : les Hongrois font des films dérangeants et surréalistes, les Roumains des histoires de familles qui s’engueulent façon “qualité roumaine” et les Polonais...hé bien, chez eux, c’est souvent gris, froid et immobile, comme un bocal de cornichons oublié sur un appui de fenêtre un soir de novembre. Pourtant, cette fois, ça parle d’amour, d’amour passionnel même : quinze ans d’une romance tragique ballotée entre l’Est et l’Ouest, entre la soif de liberté et l’obéissance forcée à une idéologie à laquelle on ne croit même pas, tiraillée entre la nécessité normative et la passion libre. La tragédie amoureuse, au cinéma, est aussi vieille que le cinéma lui-même, et on pourrait se dire, à raison, que le contexte de la Guerre froide en constitue un écrin idéal mais pas vraiment inattendu. Pourtant, ‘Cold war’ transcende les espoirs somme toute très modérés que j’avais placé en lui : C’est que tout y est absolument magnifique. Ce noir-et-blanc splendide, ces plans fixes beaux comme des photographies de Doisneau, ces mouvements de caméra légers, qu’on remarque à peine mais où rien n’est laissé au hasard, le regard, à la fois documentaire et esthétique porté sur les danses folkloriques slaves et le jazz enfiévré des cabarets parisiens de l’après guerre, les sentiments dévastateurs éprouvés par le couple, jamais du côté du mélodrame et de la sensiblerie complaisante. Et Joanna Kulig. Qu’est ce qu’elle est magnifique, Joanna Kulig ! Et c’est ainsi que la pureté de la mise en scène de Pawlikowski transcende le plus évident des gestes cinématographiques.