On a l’impression éprouvante avec ce film que les gens sont cuits, et qu’il ne leur reste que les extrêmes comme recours. Pas seulement ceux du film. Les gens semblent cuits de s’être trop laissés aller, endormir, bercer, tandis que les plus forts devenaient de plus en plus forts, au point qu’il n’y aurait plus rien à faire pour les sauver (‘aurait’ : conditionnel). Mais c’est l’impression d’un spectateur, rien n’est théorisé, et l’on n’en dira pas plus ici sur la cuisson et sur l’extrême dans le film. Il faut aller le découvrir. Nous sommes donc dans un zoom social, résolument réaliste, qu’on ne quitte pas pendant une heure et demie, sauf pour quelques parenthèses très courtes dans la vie privée du personnage principal. On y vit un concentré de malaises et d’espoirs, qui ne laisse aucune place à l’imagination, aux clins d’œil, aux vannes, au rêve –mais on est dans le rêve social de l’un d’eux. C’est un film bien français, et bien fait (pour changer?). La mise en scène, la caméra, nous incruste avec confort dans les scènes où il n’y a pas de confort. La musique est une vraie découverte (Bertrand Blessing), dès l’introduction, quasiment un rôle dans le film, qui s’impose ici pour couvrir les bruits des hommes, ou là pour les accompagner dans leurs réflexions. Le sujet proprement dit est maîtrisé ; ça rappellera des choses à certains, des forces et des faiblesses, tandis que d’autres les découvriront, des choses vraies. Les acteurs ne sont pas majoritairement des acteurs, paraît-il (sauf Vincent Lindon), mais ils jouent plus vrai que les vrais (ils ne déclament pas, ils ne surjouent pas, ils ne cherchent pas leurs meilleurs profils), ce qui fait, curieusement, qu’un des intérêts du film est de s’interroger sérieusement sur les autres films, en général. Stéphane Brizé est un sacré chef d’orchestre, et l’orchestre un bel exemple d’équipe.