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poet75
256 abonnés
703 critiques
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3,0
Publiée le 19 février 2018
Nombreux sont ceux qui supposent que Shadi est de retour d’Amérique, mais non, c’est de Rome qu’il est revenu à Nazareth et il compte bien n’y rester que le temps nécessaire pour les festivités du mariage de sa sœur. Avec son père, Abu Shadi, un professeur proche de la retraite, divorcé d’une femme ayant refait sa vie aux Etats-Unis et dont la présence au mariage dépend de la santé de son nouvel époux, ils sillonnent en voiture les rues de Nazareth, allant de maison en maison, pour remettre en mains propres aux invités leur faire-part. C’est le « wajib », une tradition palestinienne à laquelle il n’est pas question de contrevenir. Même malade du cœur à cause de son tabagisme, Abu Shadi considère qu’il est de son devoir de faire ces démarches. Ces visites occupent la majeure partie du film, nous mettant en présence de multiples personnages, certains d’entre eux ne manquant pas d’originalité. On devine aussi la particularité de cette ville où se côtoient musulmans et chrétiens. Mais la force du film provient surtout des dialogues compliqués, houleux, entre père et fils. L’un et l’autre ont des reproches à se faire et leur périple commun leur donne l’occasion de vider leur sac. C’est d’autant plus intrigant que les deux acteurs sont réellement père et fils dans la vie. Leurs joutes verbales, leurs fâcheries et leurs réconciliations ne manquent pas de piquant.
J’ai beaucoup aimé ce film. Quand on part de son pays d’origine et qu’on revient on a l’impression que rien ne change et on se sent en décalage. On peut se croire plus intelligent avec une mentalité plus ouverte, une double culture et on a tendance à oublier que les personnes qui sont restés sont très attachés à ses habitudes, ses traditions. Un film qui parle aussi politique.
La distribution dans les salles françaises des films de la réalisatrice palestinienne (et poétesse !) Annemarie Jacir semble bien se faire au coup par coup : c’est ainsi que Le sel de la mer, son premier long-métrage, présenté à Cannes 2008 dans la sélection Un Certain Regard, avait déjà eu l’honneur d’une telle sortie, alors que Lama Shoftak, le deuxième, pourtant particulièrement bien reçu dans de nombreux festivals, n’avait pas eu cette chance. Voici donc la sortie de Wajib, le troisième, lui aussi très bien reçu dans les festivals où il a été présenté, les plus importants étant ceux de Locarno, en août dernier, et de Toronto, en septembre. C’est toujours avec beaucoup d’intérêt qu’on reçoit un film en provenance de la Palestine. Dans Wajib, la réalisatrice Annemarie Jacir poursuivait manifestement deux buts : tout d’abord, faire un portrait de la relation entre un père et son fils qui ne se voient pas très souvent et qui ont des opinions très différentes sur la situation de leurs compatriotes, le deuxième but étant justement de montrer plusieurs situations différentes par l’intermédiaire de visites dans les domiciles d’un certain nombre d’entre eux. Si le premier but est plutôt bien rempli, on peut se montrer déçu par le traitement du second.
Un père et son fils sillonnent Nazareth et remettent en mains propres des invitations au mariage de la fille du premier. Beau prétexte à raconter la Palestine autrement, avec le dialogue entre deux hommes désormais loin de l'autre. Des générations différentes, des idées qui ne le sont pas moins, avec un fils qui vit désormais en Italie. Loin d'accentuer à tout prix les sources éventuelles de conflit, la réalisatrice Annemarie Jacir (dont on avait aimé Le sel de la mer) nourrit sans cesse la communication, la faisant parfois transiter par un ou plusieurs tiers, y compris la future mariée. Le danger avec le sujet de Wajib, comme une sorte de road-movie limité aux frontières de Nazareth, aurait pu être de passer d'une rencontre à une autre et de papillonner sans approfondir quoi que ce soit. Mais comme le film revient sans cesse au duo principal, il évite facilement cet écueil, rebondissant puis s'échappant avant de revenir au fondamental : les relations père/fils qui font ce qu'ils peuvent pour combler le fossé qui les sépare de plus en plus. Tout en douceur, avec un humour malicieux, Wajib séduit sans marteler de messages, loin d'un film militant. Mais humaniste, il l'est bel et bien, sans démagogie ni caractère démonstratif.
Un film magnifique touchant percutant et pertinent décrivant les ambivalence de la société palestinienne de Nazareth particulièrement à travers des personnages profonds, notamment le père et son fils qui s'opposent sur la posture à tenir en tant que citoyen palestinien, entre le jeune engagé mais exilé et le vieux qui survit et reste pragmatique. La réalisatrice porte un regard sur ces deux visions objectif, aucun des deux ne semblent avoir plus raison que l'autre. au contraire elle souligne leur complémentarité. Les acteurs Bakri pour la première fois reunis ds le même film sont époustouflants. A voir absolument.
Un film débordant d'humanité, merveilleusement interprété par le père et le fils Bakri (Saleh, le fils, est le sosie de Mohammad, son père, lorsqu'il était selim dans Hanna K de Costa Gavrasen 1983). Mension spéciale du Jury aux Rencontres Cinématographiques de Cannes tout à fait méritée.