Les documentaires abondent sur les écrans de cinéma depuis quelques années et on ne va se plaindre. Le documentaire est en effet un genre hybride qui hésite entre une construction esthétique de la réalité et la volonté du cinéaste de transmettre un message, souvent politique. En l’occurrence, « América » présente le portrait de quelques habitants de l’Arizona, à l’aube de la victoire de Donald Trump. On ne peut pas reprocher au réalisateur de connaître déjà l’issue des élections, bien que le montage laisse penser qu’il a soigneusement choisi des personnages qui ne font pas dans la nuance, quant à l’affirmation d’un patriotisme exacerbé ou la défense du port d’armes.
Bien sûr, nous sommes aux Etats-Unis, dans une région qui a été très marquée par la présence d’Amérindiens sur son territoire et une immigration mexicaine importante. L’Etat compte de nombreuses communautés. Mais le réalisateur ne présente essentiellement que des blancs qui vouent pour leur pays un culte suspicieux. Ainsi, le film ne fait pas beaucoup la part à la contestation de son point de vue, sauf peut-être dans le filmage de quelques bourgeois bobos, plus éclairés que les autres.
Le risque est de penser que les Etats-Unis se réduisent à ce que Charles de Gaule auraient résumé à un pays de veaux. Véritablement, le film manque de subtilité dans un ce panorama de personnages étonnants, dont on comprend en les écoutant, sur quoi, hélas, reposent la victoire de Donald Trump et le creuset idéologique de son élection. Une des séquences dernières du film regarde un train qui traîne à l’infini des armements sur ses wagons, ce qui conforte le point de vue du réalisateur qui nous présente un pays au bord du gouffre politique et économique.
Sans doute, la qualité certaine du film demeure pour un spectateur européen, le spectre de la bascule nationaliste qui hante nos pays. En ce sens, « America » est un film universel qui accule les spectateurs à l’ignominie de la facilité idéologique. De plus, le point de vue courageux sort enfin d’une vision manichéenne d’un immense pays habité par des supers héros. On ressent avec acuité le risque d’un emballement des patriotismes aveugles à travers la planète, avec, en point de mire, la potentialité d’une multiplication des conflits meurtriers entre pays riches et pays pauvres.
« América » est une œuvre très pessimiste. On va essayer de penser que le point de vue du réalisateur est partial et ne dit (presque) rien de la réalité de nos alliés américains.