Un film qui fait toujours réfléchir des décennies plus tard et dont l'mpact est toujours à la fois intrigant et énigmatique. L'ironie mordante de Kubrick, son cynisme transparaissent dans chaque plan, chaque dialogue et sonnent comme des interrogations et des questionnements qui résonnent dans le vide d'une société déliquescente, celle du début des années 70, prémisses de notre société actuelle et présente avachie dans l'angélisme forcené dont le caractère délétère fait des ravages.
A cet égard, il s'agit d'un film visionnaire sur la problématique de la violence et de la façon d'y faire face ou de se voiler la face. C'est aussi du point de vue moral l'éternelle question de la nature de la violence et de l'origine du comportement des "gens méchants", doux euphémisme pour désigner les racailles qui se nourrissent de la société et la mangent comme des parasites dont on ne parvient jamais à se débarrasser.
Orange Mécanique, plutôt que de se hasarder dans quelques réponses ou thèses hasardeuses, ne donne et ne donnera aucune réponse, aucune solution : le problème reste entier et le constat amer. Tout comme aujourd'hui.
Si son impact reste intact, c'est bien entendu grâce à la réalisation magistrale d'une part, grâce aux acteurs criants de vérité d'autre part, avec en première place l'incroyable Malcolm MacDowell dont la performance maléfique est à marquer d'une pierre blanche.
L'atmosphère vulgaire, le décorum kitsch, le mauvais goût étalé poussé à son paroxysme des années 70 sert naturellement le propos à merveille alors que pardoxalement, le film n'en apparaît que plus daté, désuet et caricatural. Le massacre des mouvements de la symphonie de Beethoven à l'orgue Bontempi de Prisunic participe de cette ironie cinglante et vrille les nerfs à souhait tandis que d'autres morceaux connus de musique classique illustrent les évènements ici et là, une manie de Kubrick qui se trouve quelque peu en porte-à-faux ici.
Le film en ferait-il trop ? on peut légitimement se le demander. Pourtant le dialecte quasi-incompréhensible de la vermine décrite ici peut aisément se comparer avec le "verlan" et les expressions de nos chers jeunes des banlieues, comme autant de signes d'appartenance, autant langagières que vestimentaires, à un "monde" à part, reflet d'une société malade ou reflet d'une résistance diabolique à son encontre.
Notez à cet égard qu'on peut rapidement partir dans tous les sens, y compris dans le religieux avec tous les dégâts collatéraux de part et d'autre, aussi bien du côté de nos chers rebuts que du côté de nos politiques qui semblent comme de coutume toujours désemparés face à l'ampleur du problème. Car la morale a une origine religieuse, tout comme le "bien" et le "mal".
On pourrait encore tergiverser et palabrer pendant des paragraphes entiers qu'on se retrouverait toujours au même point ; si un dessin vaut mieux qu'un long discours, alors un film tel qu'Orange Mécanique vaut bien une messe. Malgré son outrance et sa désuétude, malgré ses tics, le film a su se hisser hors de son temps : il est devenu à notre grand étonnement un classique intemporel.