"Propagande", "démagogie", tels sont les termes qui reviennent dans plusieurs critiques négatives ici-même.
Les faits : je travaille dans un institut d'enseignement spécialisé belge qui accueille, entre autres, des enfants avec autisme, pas loin de la frontière française. Et des enfants français, il y en a pas mal chez nous, faute d'un encadrement scolaire réellement adapté et suffisant en France, sans parler des écoles d'éducs spé belges qui accueillent une grande quantité d'étudiants français.
Ceci étant posé, parlons du film, rien que du film.
Vincent Cassel, à contre-emploi, et Reda Kateb, toujours exceptionnel, campent deux éducateurs qui s'entraident et se complètent au moment où l'association du premier est visée par une inspection pouvant mener à sa fermeture. Leur public, des adolescents et des adultes avec autisme mais aussi des jeunes en réinsertion professionnelle. Si deux acteurs dominent l'affiche, il faut rendre justice aux nombreux seconds rôles, qu'ils s'agisse des éducs en formation (notamment le jeune Bryan Mialoundama) ou des enfants et adultes avec autisme.
La réalisation se veut au plus près des situations filmées, parfois caméra au poing, en mouvement, parfois plus lente, plus rarement en plans larges, ce qui nous permet d'appréhender le réalisme des visages et des situations. Quelques scènes sont vues de l'intérieur, à coup de flous et de lumières aveuglantes, comme pourrait les vivre le jeune Valentin. Les émotions sont suggérées plus qu'assénées à la guimauve et renforcent le réalisme du parti pris. Les quelques rares situations de "drague" (comme j'ai pu le lire dans la critique d'une association gérant l'autisme) n'en sont pas. Elles sont à peine effleurées et c'est très bien comme ça, c'est aussi de l'ordre de l'humanité du quotidien.
Une association de prise en charge avait dénoncé une "instrumentalisation" de l'autisme en raison du fait que les "malades" (je ne savais pas qu'on considérait encore les personnes avec autisme comme des malades) sont traités de l'extérieur, comme des objets et non des sujets de plein droit. Ce qui peut en effet s'entendre. Ce film n'est pas le 8ème jour, il démarre d'un parti pris : le quotidien, non des personnes avec autisme, mais des personnes qui les accompagnent, associations, hôpitaux, centres d'hébergement., mais aussi des parents, trop souvent seuls et démunis. Une fiction de 2h, même si elle est inspirée de faits réels, destinée au plus large public, n'est pas un documentaire en 8 fois 1h sur l'autisme tel que vécu de l'intérieur. Pour ça, il y a le percutant Cerveau d'Hugo, notamment.
Hors normes est avant tout une comédie réaliste et sociale visant à dénoncer le peu d'investissement public et, surtout, l'écrasante administration bureaucratique française en termes d'aide sociale. D'autres thèmes pourraient servir le propos, comme l'accueil des enfants placés, le sort des enfants qui sont virés des écoles parce qu'inadaptés au système scolaire psychorigide français, le traitement des personnes âgées et j'en passe, hélas, tellement. L'autisme a cet avantage d'être porteur auprès du public. Les gens "adorent les handicapés" comme ils sont tous contre le harcèlement scolaire. C'est bankable. Sauf que la situation, concrètement, n'évolue pas ou pas assez et que nous en sommes toutes et tous responsables : on n'est tous contre le harcèlement ou pour les autistes mais nous acceptons une société qui favorise le harcèlement et le validisme, la norme.
Alors oui, c'est avant tout une grosse claque aux services publics français mais également un hommage légitime aux femmes et aux hommes de terrain qui se battent au quotidien pour le mieux être des personnes qu'ils accompagnent.
Une réussite et un magnifique film, finalement très pudique.