Après un silence de trois années ,l 'immense Jacques Audiard revient avec force en dessinant les portraits inclassables de deux protagonistes que tout oppose et finalement rapproche ..Sous ses allures de comédie sociale l 'oeuvre se métamorphose en véritable polar crépusculaire pour finalement aboutir vers une possible histoire d’amour. Mêlant les styles et filmant harmonieusement les genres, la caméra du cinéaste invite subtilement à pénétrer dans chacun des univers de ses deux personnages principaux. A la manière du cinéma muet, elle joue sur les contrastes, la lumière et les cadrages, observant et traquant le moindre détail, soucieuse de restituer leurs sentiments et leurs émotions. Dans cette ambiance particulière, également renforcée par le formidable travail de la bande son qui joue sur les bruitages et les silences , la rencontre et la métamorphose de Paul et Clara vont prendre toute leur ampleur et leur crédibilité au long du récit ....Nés chacun à leur façon sous le signe de la malchance, ces deux manchots de la vie au contact l’un de l’autre vont apprendre à mettre en commun leurs frustrations et leurs atouts pour se payer une belle revanche sur la société .Comédienne singulière ,égérie de Arnaud Desplechin, Emmanuelle Devos dans le rôle de la fille moche et dure d’oreille est particulièrement incroyable ..Vincent Cassel (une nouvelle fois excellent..) incarne Paul Angeli une petite frappe raté ,loser à la recherche d'un emploi , fraîchement sorti de prison,essayant de survivre par des combines aussi pitoyables que lui ,..Au delà de sa spectaculaire transformation physique c’est avec beaucoup de sobriété et de retenue mais aussi un étonnant travail sur le timbre de sa voix que ce dernier offre une superbe composition...La mise en scène originale et inventive, une direction d’acteurs sans fausses notes, une façon atypique et bien à lui de construire ses intrigues, après "Regarde les hommes tomber" et "un héros très discret", Jacques Audiard confirme la maîtrise de son cinéma ainsi que sa" Grammaire" ,cherchant toujours à faire découvrir le chemin de héros ordinaires, lui qui ne laisse pas véritablement de place à la gent féminine, confie pour une fois le rôle fort à une femme. Sa manière de bousculer les codes et son besoin d’avoir recours aux effets de style,font de ce moment cinématographique une parenthèse intense et vibrante prêt à mettre les sens en éveil tout comme l 'envoûtante partition de Alexandre Desplat ...Une oeuvre rare ..Neuf nominations lors de la cérémonie des césars 2002 largement méritées ...