Longtemps resté dans l'ombre, accueilli tièdement à sa sortie, ce deuxième film de Costa-Gavras vaut pourtant le détour. On y suit une équipe de résistants, qui libèrent un groupe de prisonniers destinés à être exécutés. Problème : il sont treize libérés pour douze condamnés ! Mais alors que l'on pense que le film tournera autour de qui est le traître potentiel, ce n'est absolument pas le cas. L'identité du 13ème homme est rapidement connue, et "Un homme de trop" se veut surtout comme un portrait des maquisards, assez acerbe pour l'époque. Le film ne prend en effet pas de gant, évoquant la Résistance comme une filière organisée, mais non militaire, pleine de dissensions, et prompte à abattre des civils en cas de doute. Toutefois il ne faut pas se leurrer : on est bien dans une œuvre qui célèbre les maquisards et leur courage, devant des miliciens ou des collabos. Et où le sang et la violence coulent au prix de la liberté. Un fond qui annonce les films politisés du réalisateur, vers lesquels il embrayera directement après celui-ci. Au-delà de cet aspect historique, la forme du film est particulièrement réussie. Le scénario et la mise en scène sont particulièrement trépidants, offrant une série de péripéties qui n'en finissent jamais, et de nombreuses scènes d'action. Démonstration du quotidien des maquisards harcelés en permanence ? La photographie froide évoque la dureté de cette vie, tandis que la réalisation offre quelques moments particulièrement fort... ou des plans très originaux avec parfois de la caméra à l'épaule (notamment une séquence de tir filmée en FPS !). Et bien sûr, les acteurs y sont pour beaucoup. Le film aligne les gueules du cinéma français de l'époque, permettant d'attirer immédiatement la sympathie sur de nombreux personnages secondaires, ou d'apporter de la bonhommie occasionnelle. En ressortent Michel Piccoli, étrange cheveu qui semble débarquer sur la soupe de la guerre. Ou Bruno Cremer, charismatique en chef efficace et implacable. Bref, "Un homme de trop" ne mérite pas d'être resté dans l'obscurité, et est à ranger dans le haut du panier de la filmographie de Costa-Gavras.