Imaginez un puzzle sans cadre, avec trois figures totalement différentes. Rien ne les relie.
Mettez un grand coup dans la table.
Les pièces volent au-dessus de la table, retombent, s'entrechoquent , se mêlent. Vous regardez ce désordre se faire sous vos yeux sans vraiment bien comprendre pourquoi vous avez provoqué ce chaos. Mais bientôt ce désordre, vous le trouvez plus familier, plus beau, plus poétique. Pourtant il ne ressemble à rien, à rien que vous connaissez et les pièces, qui n'avaient aucun lien au début, par ce jeu de déformation, se côtoient maintenant et se répondent comme si elles étaient complémentaires.
Je pense que la clé du film d'Inarritu réside dans sa dernière séquence. On suit une histoire, tragique, formidablement jouée, filmée "à la rage du poing" (ou la rage de vivre), mais au final ce n'est qu'une histoire qu'on nous raconte sur un écran, un passe-temps de 2h.
Ce qui est beau, au final, ce sont peut-être ces instants que l'on a raté , nous spectateurs, parce que le réalisateur ne nous les a pas montré;
Qu'y a-t-il dans 21 grammes?
Une petite fille poussant une porte, une amie faisant un doigt d'honneur à la piscine, un assassin osant soutenir le regard de sa victime... des détails qu'on oublie si on les voit parmi d'autres images mais qui, ainsi disposés, à la fin d'une intrigue tragique, résonnent de façon toute particulière.
Qu'est-ce qu'on perd dans 21 grammes?
L'âme d'un mourant...? L'âme d'un repenti qui replonge dans le crime...?
Qu'est-ce qu'on gagne dans ces 21 grammes?
Un père qui rentre à la maison...? un futur enfant...?
L'âme d'un être?
L'âme d'un film?
On ne retient de sa vie que des détails insignifiants qui résonnent en nous avec une force que personne d'autre ne soupçonne.
Un film, c'est pareil.
21 grammes n'est pas un bon film, 21 grammes, c'est un film avec une âme, qui ne pèse pas plus lourd que ses derniers plans mais qui résonnera dans votre memoire comme un détail inoubliable de 2 petites heure