Les mains vides : les secrets du tournage

Les Mains vides a été présenté en Sélection officielle au Festival de Cannes, dans la section Un Certain Regard. Le précédent film de Marc Recha, Pau et son frère, avait été en compétition sur la Croisette en 2001. Quant à Olivier Gourmet, l'un des acteurs principaux des Mains vides, il revenait à Cannes un an après y avoir obtenu le prix d'interprétation masculine pour Le Fils de Luc et Jean-Pierre Dardenne.

Marc Recha précise les intentions qui étaient les siennes en réalisant ce film : "J'ai eu envie d'évoquer la difficulté de communiquer (...) Dans Les Mains vides, il y a des gens qui n'arrêtent pas d'entrer, de sortir, qui sont là puis n'y sont plus, sans que l'on sache pourquoi. Au début, on parle de l'absence d'une seule vieille dame. Et personne ne bouge ni ne la recherche. Personne ne veut s'en apercevoir. Les gens se fâchent entre eux mais cohabitent. Quand j'ai revu mon film au montage, j'ai été étonné par le nombre de personnages qui frappent aux portes et ne reçoivent aucune réponse. Je crois que Les Mains vides est un film sur les absences", confie-t-il.

Après avoir écrit une demi-douzaine de versions du scénario, le cinéaste a encore fait évoluer le récit au cours du tournage, selon une méthode déjà expériméntée lors de son précédent film, Pau et son frère : "J'ai l'habitude de répéter mes films avec les acteurs. Cette fois-ci en plus, j'ai enregistré ces trois semaines de travail avec une caméra vidéo numérique. Je craignais qu'avec un acteur belge, des français, des catalans et un espagnol de Santander, il ne soit pas très facile d'atteindre une certaine homogénéité. Durant ces répétitions, je me suis aperçu que certains dialogues devaient être retouchés. Et sur le tournage, dans les décors, face aux réalités, d'autres transformations se sont imposées à moi", explique Marc Recha.

Après Novo de Jean-Pierre Limosin, c'est la deuxième fois que le comédien espagnol Eduardo Noriega tourne en France. Mais sur le tournage des Mains vides, cet acteur, originaire de Santander, en Cantabrie (Nord de l'Espagne), a aussi cotoyé des comédiens (et un réalisateur...) issus de la Catalogne.

Les Mains vides oscille entre un ton mélancolique et comique. Le réalisateur évoque ses influences : "J'ai beaucoup pensé à Tati et à Otar Iosseliani en tournant ce film. A leur forme d'humour imprévisible. Les Mains vides sont comme un ensemble de hiéroglyphes que le spectateur finit par déchiffrer, j'ai tenté d'apporter ma pierre à une certaine forme de comédie européenne."

Les Mains vides est ponctué de chansons de Dominique A. Elles fonctionnent comme un commentaire, une sorte de voix off dans une structure narrative, avec un texte fort. Il y a le même esprit dans ces chansons de Dominique A que dans le film", explique le réalisateur. En 2000, le chanteur français avait composé la bande-originale du film Banqueroute de Antoine Desrosières. Par ailleurs, sur un de ses albums, il avait repris Les Enfants du Pirée, titre rendu célèbre par Melina Mercouri qui l'interprétait dans le film Jamais le dimanche de Jules Dassin.

Le réalisateur Marc Recha tenait beaucoup à ce que son histoire ait pour cadre la ville française de Port-Vendres, située sur la côté catalane. "Cette ville en bord de mer, près de la frontière, était présente dans mon esprit avant même que j'écrive le script. J'étais attiré par ce lieu parce qu'il a été le point d'échouage, le terminus de tant d'exilés qui venaient de mon pays, par exemple des vaincus de la guerre civile espagnole..." explique Marc Recha, qui se souvient par ailleurs des aléas climatiques auxquels l'équipe a fait face dans cette région : "Nous avons dû affronter (...) une météo très défavorable, des orages, et surtout la tramontane. Quand ce vent du nord, sec et violent, se met à souffler pendant six jours d'affilée, cela change les données."

Marc Recha accorde d'autant plus d'importance au choix de ses collaborateurs qu'il ne cesse de réécrire son scénario en fonction, entre autres, de l'atmosphère qui règne sur le tournage. On retrouve dans Les Mains vides plusieurs membres de l'équipe de Pau et son frère, le précédent film du Catalan. C'est le cas des comédiens Eulalia Ramon et Luis Hostalot, et de la chef-opératrice Hélène Louvart, remarquée notamment pour son travail sur Y aura-t-il de la neige a Noel ? de Sandrine Veysset et qui, en 2003, a capté la lumière de Marrakech pour Raja de Jacques Doillon.

JBA, la maison de production des Mains vides, se consacre, depuis sa création en 1987, à des longs-métrages issus de cinématographies rarement explorées. Outre les longs-métrages du catalan Marc Recha, le catalogue de JBA comprend ainsi Les Gens de la riziere, du cambodgien Rithy Panh, Corps plonges du haïtien Raoul Peck, ou encore Os Mutantes de la portugaise Teresa Villaverde.