Comment concilier le blockbuster et le film engagé, tel est sans doute la question que s'est posée Andrew Niccol, auteur de l'excellent Bienvenue à Gattaca. Le cinéaste parvient à parfaitement orienté son oeuvre vers un entre-deux adéquat, offrant la dynamique nécessaire au film grand public tout en insufflant l'intelligence et la profondeur d'un film documenté. Certes, Lord of War est un produit commercial hollywoodien dans la tradition la plus coutumière, mais il démontre tout de même bon nombre de petits à-cotés marquants permettant des tisser des liens judicieux entre fiction et cynique réalité. Le monde est donc un marché. Prenons-en acte et suivons, non sans plaisir, l'évolution de l'opportuniste Youri dans le monde lucratif du trafic d'armes.
Capitaliste mesquin, émigré rêveur, profiteur intelligent, le personnage de Nicolas Cage est aussi captivant qu'intriguant. A la fois attachant et reboutant, l'acteur signe là l'une des ses meilleurs apparitions, euphorique, drôle, dure, sérieuse. Une composition d'acteur qui ne manque pas d'adjectifs. Accompagné par un Jared Leto discret mais imposant et d'un Ethan Hawke sobre mais important, le casting n'en reste pas moins très restreint. Malgré l'enjeu planétaire développé, le tout semble inlassablement tourné autour du personnage principal, personnage solaire qui évolue entre son pays adoptif, les Etats-Unis, son pays d'origine, l'Ukraine, et tous un tas de nations en conflits. Là est sans doute le défaut, certes mineur, d'un film qui peine un tant soit peu à sortir de son petit train-train.
Quoiqu'il en soit, le film est d'une formidable limpidité, un récit axé sur le sensationnalisme qui usent des bonnes paroles. Tout ça pour dire que les répliques mûrement écrites, principalement celles de Youri, donne le rythme, annoncent la couleur et permettent d'appréhender les actes des protagonistes. Tout est savamment orchestré, en toute maturité et en toute légèreté. Jamais, Andrew Niccol ne tente de choquer, d'émouvoir et de révolter le public, celui-ci étant de toute manière conscient des fondements du problème exploré. A l'inverse d'un bon nombre de cinéastes, sous le joug de studios maniéristes, Andrew Niccol développe ici un profond respect du public, fait marquant pour lequel on ne peut que le remercier.
Si le cinéaste ne sera pas toujours si bon, il convient d'appréhender sa filmographie, en dent de scie, comme celle d'un personnage intelligent qui ne parvient pas toujours à se faire entendre, je pense là à son récent échec, In Time. Bref, Lord of War est un excellent cru, un thriller politique, un polar, un film caché sous toutes une armées de facettes et qu'il convient de savourer à sa juste valeur. 16/20