Au volant de sa voiture, un libraire grenoblois renverse une petite fille. Elle en perd la parole. Bien que non responsable, il se sent rempli de remords et s’efforce de la ramener à la normale en allant la voir à l’hôpital, en lui parlant, en lui récitant des poèmes et en faisant le pitre. La mère, loin de lui en vouloir, s’arrange de la situation, car elle a d’autres problèmes, dans son travail en particulier. Puis l’enfant retombe dans le coma, et le scénario également. Jugez-en : la mère et le libraire, prévenus de ce coma, se rendent en hâte à l’hôpital... mais s’arrêtent en route pour s’envoyer en l’air au bord de la route nationale, avec le flot de voitures passant en arrière-plan. Toutes les mères n’ont rien de plus pressé que de faire ça lorsqu’elles vont voir leur gosse à l’hôpital, c’est connu. À l’hôpital, une infirmière commente l’état de la gosse par cette forte sentence : « Même le Prince Charmant ne pourrait pas la réveiller » ; là encore, le genre de phrase qu’on entend couramment dans les couloirs des hôpitaux, convenez. Un peu plus tard, le libraire enlève l’enfant et quitte la ville ; mise au courant de l’enlèvement et interrogée par la police, la mère trouve la situation normale, l’automobiliste tourmenté est si gentil, si dévoué... De son côté, le libraire se perd en montagne avec l’enfant, meurt dans une tempête de neige, et la petite sort à cet instant de son coma. Message de l’auteur : en donnant sa vie, il lui a rendu la sienne.
Cette « leçon d’humanisme » s’avère d’une prétention et d’une naïveté incommensurables, à la limite de la bêtise. Et bêtise bien-pensante, circonstance aggravante.