Quelle belle surprise ! Et quel film grandiose ! On est ici devant un western-spaghetti signé par Sergio Corbucci, réalisateur un peu touche à tout. L'histoire est la suivante : des chasseurs de primes traquent et tuent de pauvres paysans montagnards obligés de voler car affamés avant une amnistie prochaine du gouverneur de l'état. C'est là qu'intervient "Silence" joué par un excellent Jean-Louis Trintignant (au jeu d'acteur minimaliste mais qui tranche avec celui de Kinski), cow-boy solitaire et muet à qui l'on vient demander de l'aide pour venger un homme abbatu par le terrible Tigrero, victime de la chasse à l'homme. Klaus Kinski que je découvre comme acteur livre ici une interprétation glaciale et amère de son terrible personnage.
Même si à première vue, le scénario est assez classique pour un western, il possède déjà une grande différence relative au cadre du film, celui-ci se déroulant dans la neige ; totalement à l'opposé du désert de l'ouest américain habituel. Ce paysage enneigé et glacial influe nettement sur l'atmosphère du film qui se rapproche parfois d'un thriller et d'où se dégage une réelle tension.
Ensuite, la femme qui demande à "Silence" de venger son mari est afro-américaine, ce qui n'est pas commun ! Cette même dame qu'on voit peu mais qui joue un rôle central dans l'histoire d'amour naissante avec "Silence".
De plus, notre héros muet utilise un pistolet "Mauser" qui n'a rien à voir avec le traditionnel revoler des cow-boys.
Enfin, Les deux héros n'ont bien sûr rien d'héroïque et leurs actions nous le rappellent à chaque instant du film. Néanmoins le duel entre les deux est captivant et se termine d'une manière vraiment inattendue, voir idiote (deux fins existent, l'une noire et l'autre à l'opposé de manière à ce qu'elle en devienne ridicule, les producteurs l'ayant imposé à Corbucci).
Dans cette terrible contrée, plus rien n'a de valeur, on tue pour de l'argent des gens affamés, le banquier fait assassiner le mari d'une femme pour s'approprier celle-ci, les chasseurs de primes conservent les cadavres dans la neige, le gouverneur quant à lui veut garder ses électeurs et se fichent du carnage qui se joue : la femme et l'homme sont rabaissés au statut animal.
Ce western est clairement désabusé à l'image du western spaghetti et flirte parfois même avec le western crépusculaire de Peckinpah. On ne peut rester de marbre devant toute cette violence caractérisée par le sang de couleur rouge sur la neige de couleur blanche du décor enneigé et même le chérif ne pourra rien y faire et finira happé par la glace à cause de Tigrero. La musique d'Ennio Morricone assez discrète accentue le suspens et participe à créer cette atmosphère de méfiance, de tension et désenchantement. La grande réussite de Corbucci est de nous faire croire que Silence est un homme bon et fort alors qu'en fait, ce n'en rien : c'est un franc tireur qui provoque ses adversaires pour les tuer par la suite après qu'ils aient dégainés, en invoquant la légitime défense pour se justifier.
Si vous aimez le cinéma et les westerns, ce western-spaghetti là restera certainement ancré dans votre mémoire. Bref, un grand monument du septième art.