Déjà la seizième bobine pour Clint le metteur en scène, et clairement une à ranger du côté des majeures. Plusieurs fois récompensé, lauréat de notamment trois Oscars, dont celui du meilleur long-métrage, Impitoyable procure une nouvelle jeunesse au genre, lui offrant le traitement qu’on réserve d’habitude au grand cinéma : réalisation léchée, casting haut-de-gamme, scénar appliqué. Dédié à Don Siegel et Sergio Leone, il retient du premier son rythme, du second ses cadrages profonds. Mais ce n’est pas assez pour le réalisateur, qui va y greffer de la complexité à ses caractères, un réalisme des rapports humains à cents lieues des rivalités traditionnelles. Ici personne n’a tort, personne n’a raison, aucun n’est exempt de reproches, aucun n’est tout blanc ni aucun tout noir. Chaque personnage est myope à sa manière : celui qui ne voit rien mais se croit perçant, celui qui ne jure que par une justice obtuse, où qui contrevient à la norme ne mérite que l’ultime châtiment, celui qui revient faire face à son passé obscur presque machinalement. Un western luxueux, précis dans son écriture et joué magistralement, où les amis d’Eastwood, Hackman, Freeman, Harris, se mettent en quatre pour donner le meilleur d’eux-mêmes. Et si les plus critiques s’étonneront qu’un vieillard incapable de tirer à 30 m puisse survivre à cette jungle qui s’en tient à des lois balbutiantes, qu’ils jasent. On est incontestablement bien devant le premier chef-d’œuvre moderne du nouveau Harry.