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    La vengeance par l'amour
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    Critique de la série
    4,5
    Publiée le 20 août 2023
    Une série coréenne magnifique et assez exceptionnelle, qui se démarque par sa profondeur de pas mal de séries coréennes du moment.
    Exceptionnelle surtout par son ton général, doux, intimiste, proche d’un réel subtil, et par un parti-pris de ce qui pourrait être pris pour celui de la lenteur - ce qui semble de plus en plus insupportable à l’ensemble de nos contemporains - mais qui est plutôt celui du développement « naturel » de l’évolution des sentiments. Accentué aussi par une narration qui n’hésite pas de faire des circonvolutions diverses (souvenirs, flash-backs, considérations sentimentales à rebours, parallélismes etc). On a donc des séquences temporelles différentes, assez entremêlées, sans explications. C’est au spectateur de suivre un parcours narratif sur plusieurs plans (chrômies, étirements, etc.) et d’en dimensionner les diversités historiques qui expliquent les points-de-vue, les réactions, les évolutions et les attitudes de chacun des personnages dans le continuum général.

    L’histoire est assez simple et quasi triviale finalement, celle d’une vengeance sur fond de romance (il y en a 3, dont 2 assez imprévues). Une histoire de deux êtres cabossés par leurs enfances et qui s’en tirent dans la vie en vivotant au jour le jour sans que rien ne se règle.
    Mais évidemment ce n’est pas aussi simpliste, et d’ailleurs les différents titres de la série - de « Call it Love », On appelle ça l’Amour, ou « La Vengeance par l’amour »- montrent l’embarras d’en définir la thématique, car ce pourrait tout aussi bien être inversé en «L’Amour par la vengeance», etc. Mais peu importe, c’est le ton général de la série qui est formidable, même lent, traduit par un jeu d’acteurs tous impeccables et en phase. Le point central est d’être dans l’intime, et de fait « à hauteur des sentiments» sans jamais tomber dans un sentimentalisme facile.
    Ce qui est le cas par ex d’une autre série, à succès, semble-t-il, « L’empire du sourire » où le jeu des acteurs et de la mise en scène sont au contraire forcés, avec tout un tas de clichés, en une sorte de passe-temps léger, enlevé, qui ne se prend pas trop la tête et bourré de clin-d’œil à prendre au second degré finalement. Un divertissement.

    Ici, c’est tout l’inverse, quasi dans une opposition de style.
    Au point d’avoir des silences, des vides, des étirements qui peuvent agacer, notamment dans des plans très appuyés parfois sur les 2 personnages principaux, accompagnés de chansons doucereuses et convenues. Mais si on s’y fait, car la bande son est assez bien choisie dans l’ensemble, l’on entre alors dans une dimension sensible qui pourrait, en extrapolant un peu, être proche de celle du cinéaste japonais Narusé, pour les cinéphiles qui connaissent, ou celle plus proche d’un Ryūsuke Hamaguchi mais dans le format des séries coréennes actuelles.
    Sur le plan de la réalisation justement, il faudra suivre la réalisatrice principale Lee Gwang Young qui a cherché non seulement un ton, un tempo, un soin apporté à la profondeur de chaque personnages, une qualité d’image, de cadrages (bravo au chef-op) et quelques enchainements particuliers qui à mon sens la distinguent d’autres réalisateurs coréens actuellement, sauf à un Park Chan-Wook. À suivre donc.

    Avec sa ténacité, son obstination voire sa violence énergisante, Woojoo va peu à peu fournir un contrepoids à la mélancolie, au fatalisme de Dong-jin. Mais sans spoiler vraiment, je dirais que tous les rapports, toutes les atmosphères qui sont générées toute au long de la série, sont comme tordues, déformées, engluées par la personnalité douce de Dong-jin. C’est elle qui donne le ton à tout, qui influence tout, malgré les épreuves qu’elle traverse encore dans les épisodes.

    Tous les personnages autour de lui, que ce soit les amis (Sunwoo excepté), les rivaux, les commerciaux, etc. sont ainsi comme anesthésiés par sa mélancolie douce, à laquelle ils sont tous confrontés à un moment ou à un autre, et plus particulièrement Woojoo dont la vengeance va se « heurter » littéralement comme dans du coton à cette non-conflictualité, à cette bienveillance naturelle et sincère, qui finalement cache à peine une désespérance qui ne cherche pas l’évitement, mais la paix de l’esprit. De par sa nature, et aussi par l’intime conviction que le rappel à la conscience juste de chacun est toujours possible, et que le recours à la violence n’a jamais rien résolu. Cela pourrait être une fable bouddhiste de ce point de vue, sauf que c’est universel.
    Car Dong-jin, malgré ses introversions reste un être-humain et sort de ses gonds quand son cœur est atteint, comme dans la scène de l’hôpital. Et là on a l’impression de voir -enfin- quelqu’un de «normal» .
    Sauf que ce n’est pas dans sa nature, et qu’il aura fallu que la violence du monde l’atteigne à l’essentiel pour qu’il y réponde d’un élan naturel, mais excessif pour lui.
    Woojoo elle est une enfant blessée, animée par la colère. Une colère qui la ronge et que rien ne semble apaiser, jusqu’au moment où celle-ci commence à se dissoudre dans le ventre mou de la mélancolie d’un homme qui se protège apparemment par indifférence mais qu’elle découvre peu à peu presque détruit et convalescent. Et par une sensibilité contenue qui se découvre et qui désarçonne peu à peu sa violence d’une manière salutaire.

    Si tout est centré sur ces deux personnages, tous les autres sont traités en profondeur. C’est ce qui est remarquable, car même les personnages « négatifs » sont traités avec humanité, ce qui fait qu’il n’y a aucun manichéisme.
    Et que si les tempos sont si étirés, c’est que la réalisatrice veut, au-delà d’une succession d’émotions rapides, entrer dans l’intimité de chaque personnage et atteindre les sentiments.
    De ce point de vue, c’est réussi, et à sa manière : apaisant.
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