Si la série n'a pas droit à la note maximum c'est d'une part parce qu'elle n'est pas parfaite mais aussi parce que selon moi, une série d'anthologie ne peut pas se hisser au niveau des séries telles que "Breaking Bad" et autres "Games of Thrones" dans lesquelles le cheminement de l'intrigue est planifié dès le pilote. Mais en toute franchise, je considère la série comme un chef d'oeuvre de son genre. D'emblée, le tour de force de la série se trouve dans le travail d'équilibriste qu'elle accomplit en modernisant le mythe de Sherlock Holmes sans pour autant le dénaturer (en incorporant des technologies modernes sur le devant de la scène et en adaptant les enquêtes aux enjeux socio-politiques actuels) et en lui rendant constamment hommage de toutes les manières possibles sans que ce ne soit lourd une seconde, ni tomber dans la private joke. Arthur Conan Doyle serait fier si vous voulez mon avis. En plus la série sent l'Angleterre à des kilomètres. Tout, de la photographie aux personnages en passant évidemment par l'humour et le ton de la série a un cachet 100% British, mais là encore à la fois le côté traditionnel et moderne de cette culture, puisque c'est sur cette opposition que repose bien la moitié de la série. Pour le coup on pourrait reprocher à la série sa réalisation très tape-à-l’œil, extrêmement dynamique et stylisée. Moi s'il y a un truc qui me fait vraiment tiquer c'est la facilité qu'il y a à montrer une action importante pour finalement plus tard sortir l'argument-massue du "ah on vous a montré ça ? Bah non, ça n'a jamais eu lieu". C'est quand même la pire manière qui soit de berner le spectateur. Mais de dehors de cela, que du bonheur, et la mise en scène dynamique parfois à l'extrême est pour beaucoup dans l’appréciation de la série. Niveau bande-son c'est presque du Ramin Djawadi: le thème principal est utilisé à toutes les sauces si bien qu'on a presque l'impression qu'il est le seul de la série, mais d'un autre côté dur de râler vu la classe qu'il dégage à chaque fois. Côté personnages et interprétation, la série est aussi bien représentative du soin apporté à ce support de nos jours. Benedict Cumberbatch défonce la baraque à chacune de ses apparitions. Il faut dire qu'avec une gueule et une voix pareille le mec garderait la classe dans une pub pour Oral B, mais ici le travail d'intonation et de débit de parole de l'acteur et ce qu'il arrive à faire passer par quelque chose d'aussi infime qu'un haussement de sourcil ou un rictus est assez dingue. Et puis son personnage est tout aussi incroyable. Faire du célèbre Sherlock Holmes un autiste (bah oui, i peut crier autant qu'il veut que c'est un sociopathe de haut niveau, ça ressemble plus à un léger syndrome d'Asperger qu'autre chose), un parfait asocial et un asexué convaincu c'était un projet plus que couillu, ça pouvait paraître aussi débile que de faire de Watson une femme Asiatique New-Yorkaise (bim) et au final, c'est ce qui donne toute sa densité au personnage. Martin Freeman est toujours parfaitement juste en John Watson beaucoup plus intéressant que la version à laquelle il rend hommage et je tire mon chapeau à Andrew Scott pour son interprétation totalement décomplexée d'un bad guy complètement timbré. Mais mon petit péché mignon reste en gros chaque scène où Sherlock et son Mark Gatiss de frère se trouvent dans la même pièce. On en mange sans faim, et j'ignore qui s'occupe des dialogues mais il est assuré de trouver du boulot à vie. Chaque réplique est calibrée comme du papier à musique, c'est juste impressionnant et surtout addictif, en rater une miette serait une tragédie. Mais je le répète la série n'est pas parfaite: la qualité globale de la série est excellent mais chaque saison a son vilain petit canard, l'épisode d'un niveau clairement inférieur à celui des deux autres. Et assez étrangement, c'est constamment l'épisode deux qui se retrouve avec cette étiquette. Mon petit préféré reste sans hésiter "Un scandale à Buckingham" non seulement pour sa qualité globale mais surtout pour le personnage d'Irene Adler à la fois excellent en lui-même et en tant qu'hommage aux écrits de Conan Doyle, et pour son climax qui est un exemple de tension et de jouissance sans une once de violence, un must-see. En revanche j'ai toujours autant de mal avec l'épisode "Les chiens de Baskerville", notamment avec ce putain de chien digne d'un "Resident Evil" (faut dire que l'histoire de celui-ci est très difficile à moderniser en en conservant l'esprit, mais ça n'excuse pas ce chien dégueulasse). Mais je tiens à préciser quand même que pour moi un mauvais épisode de "Sherlock" ça n'existe pas. Il arrive q'on tombe par-ci par-là sur un gimmick en voie de disparition qu'on croirait sorti d'un feuilleton des années "Dallas" (le personnage mort mais pas tout à fait, le Deus Ex Machina des familles, etc) ce qui peut faire rire ou tiquer mais contribue grandement au cachet old-school sans lequel la série n'aurait pas cette saveur toute particulière. Je terminerai en précisant que je n'aime pas trop donner mon avis sur une série en cours de production mais vu le rythme pachidermique auquel se traîne la production de celle-ci je ne suis pas tout à fait sûr d'être encore en vie pour voir celle-ci se terminer, donc j'imagine que ce sera une petite entorse au règlement.