Emmanuelle Seigner, Vénus éternelle et sulfureuse de Roman Polanski [INTERVIEW]

©Warner Bros. France

"Ce film, c'était à la fois merveilleux et effrayant, un cadeau immense et empoisonné ..."

Emmanuelle Seigner : "J'avais rencontré Roman un peu avant ce film, sur lequel il cherchait une Française. A l'époque, je connaissais son cinéma, je savais que c'était un grand cinéaste. Mais j'avais davantage été élevée dans le milieu du théâtre (dont je connaissais toutes les pièces et les acteurs) car mon grand-père était acteur à la Comédie Française, ma tante et ma grand-mère aussi. Le cinéma m'était plus étranger."

"Frantic a été mon premier grand rôle. Juste avant, j'avais fait un petit rôle pour Jean-Luc Godard (Détective). Mais j'avais vraiment très peu d'expérience et en plus, je jouais dans une langue qui n'était pas la mienne. Je me suis retrouvée comme ça, avec Harrison Ford, dans un film produit par la Warner. A l'époque (je parle comme une vieille !), il n'y avait pas de Françaises qui jouaient dans des films américains. C'était à la fois merveilleux et effrayant, un cadeau immense et empoisonné."

"Je ne me suis pas rendue compte de la chance que j'avais de faire ce film."

Emmanuelle Seigner : "D'un coup, j'étais à Los Angeles, j'avais une caravane géante et une limousine géante. Mais j'avais 19 ans, je n'avais ni l'expérience, ni le désir d'en profiter. J'y suis allée comme on va à une soirée ! Je ne pensais pas à ma carrière, je voulais voyager, m'amuser, sortir. Vous savez, les années 80 étaient bien plus drôles que maintenant ! "

"Quand j'y repense, je suis nostalgique, je me dis que j'étais finalement assez bête. Je ne me suis pas rendue compte de la chance que j'avais de faire ce film. Et pourtant aujourd'hui il reste, parmi les films que j'ai faits, l'un de ceux que je préfère."

Roman Polanski, Emmanuelle Seigner et Harrison Ford ©Warner Bros. France

"Il est vraiment incroyable ce film ! C'est la première fois que Paris était montré de cette manière, très moderne avec ses poubelles. Pas le Paris d'Irma la Douce ni de Montmartre, avec l'accordéon et le béret ou la casquette. C'était un Paris violent, un bon thriller. Frantic est un film qui a passé le temps."

"Un jour, Harrison Ford m'a dit : "Et c'est pour cela que tu es payée ? "

Emmanuelle Seigner : "Harrison Ford était incroyable sur "Frantic", tellement gentil avec toute l'équipe. Avec moi, il était paternel, protecteur. J'étais vraiment une petite Française avec tout ce que cela comporte de prétention et j'étais une enfant gâtée. Je me rappelle qu'un jour, je me plaignais parce que j'avais trop attendu. Je me prenais pour une petite diva. Il m'a dit : "Et c'est pour cela que tu es payée !".

"Ça m'a vraiment plu et c'est une phrase qui est toujours restée dans ma tête. C'était une telle star à l'époque, il venait de faire Indiana Jones et moi je n'avais jamais rien fait. Il avait raison en plus, car j'étais payée beaucoup d'argent. Cette phrase a fait que, par la suite, je n'ai jamais plus "melonné" comme on dit."

"Dans le film, quand j'ai fait ma première scène, celle à l'hôtel quand il veut me prendre ma valise, je me souviens avoir eu l'impression d'avoir bien joué, notamment pour le peu d'expérience que j'avais. Il est alors allé voir Roman en disant "She's got it, she's got it" . Il était tellement content que j'y arrive bien. Je n'oublierai jamais la relation que j'ai eue avec lui."

La bande-annonce de "Frantic"