C'est le film le plus inclassable de 2025 : cette enquête va vous surprendre !
Brigitte Baronnet
Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 13 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

Sorti au cinéma en tout début d'année, "Mika Ex Machina" est l'un des films les plus étonnants que vous verrez en 2025. Il mélange enquête, récit intime et amical, et promet des fous rires. Entretien avec ses deux instigatrices pour AlloCiné.

De quoi ça parle ?

Depuis plusieurs mois, Mika trouve chaque jour des choses étranges sur sa moto : rubans rouges, pièces de monnaie, antivols... Jusqu’à ce qu’un mini-cadenas caché dans la chaîne de son moteur manque de lui causer un grave accident. Déterminée à trouver le coupable, elle filme sa moto à distance avec l'aide de ses ami.e.s.

Très vite, les fantasmes et projections de chacun.e brouillent les pistes. Harcèlement, drague ou vengeance ? La situation est-elle romantique, romanesque ou menaçante ? Mika et sa bande mènent l’enquête.

Mika Ex Machina
Mika Ex Machina
Sortie : 1 janvier 2025 | 1h 35min
De Mika Tard, Déborah Saïag
Avec Mika Tard, Déborah Saïag, Iris Brey
Presse
2,8
Spectateurs
3,4

Sorti discrètement au cinéma en tout début d'année, Mika Ex Machina réalisé par Mika Tard et Déborah Saïag est un film surprenant et inclassable, où l'on rit beaucoup. Comment ce projet a-t-il vu le jour ? Comment s'est-il fait une place dans les salles de cinéma ?

Nous avons posé quelques questions à ses deux instigatrices, le tandem Mika Tard et Déborah Saïag, co-fondatrices du collectif Les Quiches, réalisatrice de la comédie musicale Foon, scénaristes du film Encore heureux, et créatrices de la mini-série Kings.

AlloCiné : Mika Ex Machina est un projet hybride, assez inclassable. S'il fallait lui mettre une étiquette, quels genres donneriez-vous au film ?

Mika Tard, coréalisatrice et coscénariste : Je dirais que c'est une comédie d'enquête qui a la particularité d'être traversée par plusieurs genres comme le thriller, la comédie romantique, le journal intime, la fable sociétale et le buddy movie.

Nous voulions rester fidèles à ce qui nous était arrivé. Et le réel brouillait tout le temps les frontières, les pistes et nos cerveaux. Au final ça donne un objet filmique surprenant et inclassable effectivement.

Déborah Saïag, coréalisatrice et coscénariste : Filmer cette enquête avec nos téléphones portables nous a permis de saisir au vol tout ce qui nous arrivait, et aussi nos questionnements, nos angoisses, nos fantasmes. Tout ce à quoi on a rarement accès en fait.

Mika Ex Machina Pyramide Distribution
Mika Ex Machina

À quel stade vous êtes-vous dit que cette histoire qui vous arrivait pourrait devenir un film ?

M.T. : Au début, j’étais dans le déni. Trois ans auparavant, j’avais déjà été victime de harcèlement, et j’avais peur de revivre la même chose. Alors, je n’en parlais pas. Mais après l’accident, quand j’ai commencé à raconter ce qui se passait — les foulards rouges, les rubans, les pièces de monnaie, les cadenas, les chaînes — mes ami.e.s se sont emparé.e.s de l’histoire. Et chacun.e y a vu quelque chose de différent en fonction de son vécu : le harcèlement d’une ex, une demande en mariage, des pratiques de maraboutage… C’était fascinant de voir comment ces gestes étranges ouvraient des portes vers des projections totalement différentes. À ce moment-là, on s’est dit qu’il y avait peut-être matière à faire un film.

D.S. : Le déclic de filmer a vraiment eu lieu quand Mika a eu un accident. Le mini-cadenas caché dans la chaine du moteur de sa moto à failli faire tourner cette histoire au drame. Filmer c'était une façon de nous protéger, de documenter ce qui se passait, d'accumuler des preuves, de tenter de trouver l'identité de la personne qui faisait ça et aussi de mettre un écran entre nos émotions et le réel qui devenait trop inquiétant.

Nous avons donc filmé mais sans savoir ce qu'on allait trouver, ni si ça serait suffisamment intéressant pour en faire un film. Et quand nous avons enfin réussi à résoudre cette enquête, on s'est dit ok, il y a un film possible avec cette histoire.

Comme on peut le voir dans le film, vous avez mené un long travail d'enquête et filmé quasiment tout ce qui vous arrivait pendant plusieurs semaines. Combien d'heures d'images aviez-vous au final ? Comment avez-vous procédé pour le montage avec toute cette masse d'images ?

M.T. : C’était clairement une montagne à gravir… Après la folie de l’enquête, il y a eu la folie du montage ! J’étais face à cent quarante heures de rushs. C’était un défi de taille, parce qu’il y avait mille manières d’aborder tout ça. Mon objectif était de rester au plus proche de ce que nous avions vécu, tout en trouvant un moyen de condenser cette expérience en une heure et demie de film. C’était un véritable casse-tête.

D.S. : Mika a tenu bon pour réduire. C’était un travail de patience, et aussi de recul. Heureusement, on a eu la chance d’être entourées de nos producteurs — Nicolas Elghozi, François Pouget et Olli Barbé — qui ont été de précieux alliés pour nous aider à affiner certains choix. La plupart des grandes décisions se sont faites en post-production et on a été entourées d'une équipe exceptionnelle et très motivée pour nous aider à aboutir ce film.

M.T. : Le cahier des charges était clair : il fallait conserver le suspense qui avait traversé notre enquête. Nous vivons dans une époque où tout va très vite, et l’idée était de restituer le tempo qui était le nôtre, celui d’un groupe porté par une énergie collective.

Mika Ex Machina Pyramide Distribution
Mika Ex Machina

Mika Ex Machina est un film qui est sorti au cinéma. Avez-vous considéré un autre type de diffusion : film pour une plateforme, série... Pourquoi avoir privilégié une sortie salle ?

D.S. : Le premier montage faisait 12 heures, et de mon point de vue, c'était une série. J'aimais le côté foisonnant et imprévisible de cette enquête. J'étais convaincue que nous avions entre les mains une série immersive et intime qui aurait pu intéresser une plateforme ou même devenir une web-série. Cependant, Mika rêvait d'emmener cette histoire au cinéma. Elle sentait que sur une heure et demi, ça pouvait donner un objet cinématographique singulier et jubilatoire. Elle m'a convaincu d'essayer et je me suis prise au jeu.

Nous nous sommes acharnées pendant presque une année à réduire, couper, élaguer. Je pense que le fait d'être scénaristes toutes les deux nous a considérablement aidé à faire des choix qui n'étaient pas du tout évidents à envisager au départ. La décision de faire un film de cinéma a donc été prise pendant le montage quand nous avons osé faire des coupes drastiques et agencer la matière que nous avions avec nos outils scénaristiques.

M.T. : Le cinéma, c’est un lieu où l'on vit l'émotion, la salle est vivante, les gens réagissent. Sortir le film en salle, c’était un objectif essentiel pour ressentir l'aspect collectif de cette histoire.

Mika Ex Machina est sorti le 1er janvier au cinéma. On sait qu'il n'est pas évident de se démarquer dans le flot de sorties et de trouver des salles qui ont la place pour les films. Comment avez-vous vécu cette sortie ? Quelles ont été les difficultés et les bonnes surprises ?

M.T. : Notre première projection en ouverture du Festival Chéries-Chéris a été un moment inoubliable. Nous n'avions jamais montré le film à plus de trois personnes dans une même pièce, et on ne savait pas comment il allait être reçu. La veille de la projection, j’étais paralysée par le doute : et si l’humour ou le suspense ne passaient pas ? Et puis, la projection a commencé, il y avait presque 700 personnes dans la salle et là… c’était au-delà de mes espérances.

Entendre les gens rire, sentir l’énergie qui montait au fur et à mesure que le film avançait, c’était fou. Quand ça s'est terminé, et que la salle a applaudit, j'ai su que Mika Ex Machina allait toucher des gens, et qu'il avait un public.

D.S. : Pour un film comme le notre, la réalité de la sortie est très différente que pour un film fabriqué de façon classique. On est face à une machine industrielle énorme, et nous, avec notre film fait maison, on est sorti que dans très peu de salles.

Ça peut paraitre frustrant, mais en réalité c'est très joyeux de se dire qu'on peut aussi faire des films de cette manière. Notre distributeur Pyramide a relevé le pari d'emmener ce film-ovni en salle et ils ont réussi. C’est ce qui rend chaque projection encore plus précieuse.

Comment avez-vous procédé pour faire exister le film autant que possible ?

D.S. : On a fait la promo sur les réseaux sociaux et personnellement j'ai découvert un nouveau monde.

M.T. : Deb n'avait jamais pris la vague de ces plateformes auparavant, et là il fallait qu'elle apprenne pour communiquer sur la sortie du film. Elle a donc découvert les story, les reels, les publications, les messages en MP... Et maintenant, elle est addict...

D.S. : C'est une catastrophe... Mais bon, ça m'a permis de rentrer en contact avec des gens auxquels je n'aurais jamais eu accès et dont certains sont allés voir le film suite à nos échanges. C'est quand même merveilleux de pouvoir entrer en contact directement avec les gens. Et puis bien sûr, il y a eu tous nos ami.e.s qui ont aussi relayé sur leurs réseaux sociaux.

La surprise, ça a été de découvrir des spectateurs qu'on ne connaissait pas qui parlaient du film, écrivaient des messages et partageaient leur enthousiasme sur les réseaux eux aussi.

M.T. : Chaque jour, on reçoit des messages d'inconnus, heureux d’avoir vu notre film. C’est un plaisir immense de vivre ça. Ça prouve qu’un cinéma différent peut exister et trouver son chemin.

Mika Ex Machina est actuellement au cinéma.

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