5 septembre : 19 ans après Steven Spielberg, ce film revient sur la même histoire vraie, et c'est captivant
Maximilien Pierrette
Journaliste cinéma - Tombé dans le cinéma quand il était petit, et devenu accro aux séries, fait ses propres cascades et navigue entre époques et genres, de la SF à la comédie (musicale ou non) en passant par le fantastique et l’animation. Il décortique aussi l’actu geek et héroïque dans FanZone.

Comme "Munich" de Steven Spielberg, "5 septembre" revient sur la prises d'otages qui a endeuillé les Jeux de 1972. Avec un autre angle et une approche qui rend son propos pertinent pour l'époque actuelle.

Ça parle de quoi ?

5 septembre nous replonge dans l’événement qui a changé le monde des médias à jamais et qui continue de résonner à l’heure où l’information, le direct et la maîtrise de l’antenne reste l’objet de nombreux débats.

Le film se déroule lors des Jeux Olympiques de Munich de 1972 où l’équipe de télévision américaine se voit contrainte d’interrompre subitement la diffusion des compétitions, pour couvrir la prise d’otage en direct d’athlètes israéliens.

Un évènement suivi à l'époque par environ un milliard de personnes dans le monde entier. Au cœur de l'histoire, l’ambitieux jeune producteur Geoff veut faire ses preuves auprès de Roone Arledge, son patron et légendaire directeur de télévision.

Avec sa collègue et interprète allemande Marianne, son mentor Marvin Bader, Geoff va se retrouver confronté aux dilemmes de l’information en continu et de la moralité.

5 septembre
5 septembre
Sortie : 5 février 2025 | 1h 35min
De Tim Fehlbaum
Avec Peter Sarsgaard, John Magaro, Ben Chaplin
Presse
3,8
Spectateurs
3,8
Séances (290)

Un sujet, plusieurs possibilités

En cinéma comme en journalisme, la question de l'angle est aussi importante, si ce n'est plus, que le sujet en lui-même. Et 5 septembre nous le rappelle en mêlant les deux secteurs, car il revient sur la tragique prise d'otages d'athlètes israéliens par un commando palestinien, pendant les Jeux de Munich en 1972.

Une histoire dont le 7ème Art s'est déjà emparé : sous forme de documentaire (Un jour en septembre de Kevin MacDonald) et d'un thriller d'espionnage signé Steven Spielberg (Munich), centré sur les conséquences et l'opération de représailles orchestrée par le gouvernement de Golda Meir.

Deux longs métrages passionnants dont celui réalisé par Tim Fehlbaum se révèle complémentaire grâce à son approche. Nommé pour l'Oscar du Meilleur Scénario Original, il suit l'équipe de télévision américaine qui a couvert les faits sur place.

"Le premier acte terroriste diffusé en direct à la télévision", nous dit un carton du générique de fin, comme pour bien appuyer ce que l'on ressentait pendant les 90 minutes intenses qui ont précédé : 5 septembre n'a pas seulement valeur de document historique, intégrant des images d'archive à sa narration, mais fait également office de mise en perspective de notre présent, et pas seulement à cause du conflit israélo-palestinien.

"Même si beaucoup de choses ont changé et que tout semble disponible plus rapidement aujourd'hui, à tout moment, les grandes questions éthiques restent les mêmes en ce qui concerne notre consommation de l'information et les personnes qui rendent compte d'une crise", nous dit le réalisateur.

Ce à quoi le producteur John Ira Palmer ajoute : "Nous vivons une période d'incertitude technologique explosive et grandiose, et c'est aussi ce qui se passait en 1972, avec les satellites. [Les personnages que nous suivons] se sont donc retrouvés dans un moment sismique en matière de communication."

"Une origin story des fake news"

"Avec, en parallèle, des impacts sur le plan géopolitique. Notre film et les questions qu'il aborde sont donc tout aussi pertinents aujourd'hui qu'en 1972. Si plus de cinquante années ont passé depuis, je pense que nous n'avons pas été en mesure de répondre de manière significative aux interrogations éthiques posées par 5 septembre.

Pas seulement pour les journalistes eux-mêmes, mais aussi pour nous tous et la manière dont nous consommons, interprétons et désirons les informations fournies par les journaux télévisés."

"C'est une boîte de Pandore que l'on ne peut ni fermer, ni tenir", affirme de son côté Ben Chaplin, l'un des acteurs du long métrage. "Ce film est comme une origin story des fake news et des rolling news [terme donné à l'information en continu, ndlr], qui impactent beaucoup la taille d'une histoire."

"C'était la genèse de l'infotainment [contraction de 'information' et 'entertainment', ndlr]", complète John Magaro, son partenaire à l'écran. "Il y a toujours quelque chose d'étrange dans l'incarnation et la manière dont ces événements nous sont partagés."

"Je pense que l'une des questions les plus importantes est de savoir où se situe la limite entre le reportage et l'exploitation", conclut Leonie Benesch, vue en 2024 dans La Salle des profs.

"Et je pense que cette question est au cœur de toute histoire qui concerne la politique, les nouvelles violentes, les breaking news."

Alors que cette année 2025 marque le dixième anniversaire des attentats perpétrés en France en 2015, dont certaines images et polémiques sont encore dans beaucoup de mémoires, 5 septembre interroge brillamment notre présent en se tournant vers le passé.

Montrer ou ne pas montrer

Avec un équipe de télévision qui s'interroge sur ce qu'il est possible de montrer ou non, question que s'est visiblement posée Tim Fehlbaum au moment de mettre ce récit en scène et d'inclure les images d'archive que l'on connaît déjà au milieu de sa reconstitution, qui ne quitte jamais les murs du studio.

Tout passe donc par leurs paroles et ce qu'ils diffusent. "Nous nous sommes retrouvés à avoir la même conversation qu'eux sur le sujet", confirme Tim Fehlbaum. "Les images d'ABC nous ont servi de fil conducteur, et ce qu'ils ont capturé avec leurs caméras devait être ce que nous montrions à l'écran."

"Nous avons utilisé une grande partie des images d'ABC dans le film", ajoute John Ira Palmer. "Notamment [le présentateur] Jim McKay, entre autres séquences. Nous avons été sensibles à ce que les images d'archive mettant en scène les gens qui ont perdu la vie ce jour-là soient recréées, par respect.

Ce n'est qu'un exemple de la façon dont cette question s'est posée pour nous : que pouvons-nous montrer de manière à honorer la vérité de cette histoire sans se dérober, tout en la racontant respectueusement ?"

Et c'est, entre autres, ce qui rend 5 septembre aussi riche. En plus d'être palpitant et mû par un vrai sentiment d'urgence, il pose des questions, nouvelles à l'époque mais toujours autant d'actualité tant elles reviennent régulièrement sur la table à chaque couverture d'un tel événement.

Face au long métrage de Tim Fehlbaum, le spectateur aura même le sentiment d'assister à un morceau d'Histoire : pas seulement par les faits sur lesquels il revient, mais parce qu'il montre que la façon de les médiatiser n'a plus jamais été la même depuis ce 5 septembre 1972. Et qu'une partie du monde d'aujourd'hui est née ce jour-là.

Un long métrage passionnant et captivant, pour les cinéphiles, les historiens et les journalistes. Mais pas que.

Propos recueillis par Emmanuel Itier à Los Angeles le 15 novembre 2024

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