Il y a des films dont on n'est pas prêt d'oublier la première vision. Assurément celui-ci en fait partie, sans doute pour beaucoup d'entre nous. Requiem For A Dream est le genre de film qui ne peut pas laisser indifférent. Et les raisons sont nombreuses.
D'abord, son propos fort sur les addictions, notamment la drogue, les coupe-faims, mais pas seulement. Le film était aussi précurseur sur le sujet de l'addiction aux écrans, bien avant l'émergence des smartphones et réseaux sociaux, par exemple.

L'histoire suit Sara Goldfarb (Ellen Burstyn), qui vit seule, et dans l’espoir obsessionnel d’être un jour invité sur le plateau de son émission de télévision préférée. C’est dans cette perspective qu’elle suit un régime draconien, afin d’entrer dans la robe qu’elle portera, lorsque le grand soir sera venu...
Un "trip" vertigineux et angoissant
Son fils Harry (Jared Leto) est dépendant à la drogue. Avec sa petite amie Marion (Jennifer Connelly) et son copain Tyrone (Marlon Wayans), ils noient leur quotidien dans d’infantiles visions du paradis terrestre. En quête d’une vie meilleure, le quatuor est entraîné dans une spirale infernale qui les enfonce, toujours un peu plus, dans l’angoisse et l’autodestruction…
Dans la forme, Requiem For A Dream, c'est aussi une réalisation et un style très "cut", qu'on pourrait qualifier de "clipé", et qui allait ensuite beaucoup inspirer. Calé à la seconde près sur cette musique inoubliable entêtante signée Clint Mansell, Darren Aronofky allait inventer un montage qu'il appelle "hip hop", grâce auquel les images et la musique se mêlent à la perfection, avec un système de boucles et de répétitions. Le spectateur est ainsi emporté dans un "trip" vertigineux et angoissant, pouvant jusqu'à créer une sensation de malaise.
Le regard de Darren Aronofsky, 25 ans après
Les occasions de parler en longueur avec un réalisateur d'un film passé ne sont pas courantes, et sont donc précieuses. C'est l'opportunité de jeter un regard différent, avec la patine du temps, et l'évolution de la société.
Grâce à la ressortie de Requiem For A Dream, à la fois au cinéma et dans une nouvelle édition DVD / Blu-Ray en 4K, AlloCiné a eu la possibilité d'échanger avec le cinéaste, de façon rétrospective sur ce film. Avec cette particularité que Darren Aronofsky ne revoit jamais ses films. Choix qu'il a accepté de nous expliquer en toute franchise.
"Je pense que c'est une perte de temps. C'est à vrai dire quelque chose d'assez narcissique. Ton ego s'emballe, et ça ne te sert en rien. Soit ça te fait te sentir mal parce que tu penses que tu as raté quelque chose. Soit tu es fier de toi, ce qui n'aide pas non plus. Donc, il vaut mieux continuer à travailler, à avancer et passer son temps sur le prochain projet."
Si Darren Aronofsky ne revoit donc pas ses films, il est en revanche régulièrement au contact du public qui, lui, continue à découvrir son oeuvre de génération en génération, lui en parler, et donc il perçoit, à travers eux, l'impact qu'a notamment Requiem For A Dream, encore aujourd'hui. Le cinéaste était d'ailleurs présent à la Cinémathèque française le week-end dernier, et a pu échanger sur plusieurs de ses films qui étaient projetés dans le temple de la cinéphilie.
C'est incroyable que le film ait encore un tel impact !
A la question "le ressentez-vous comme un film générationnel ?", il nous répond sans hésitation : "Oui. J'en entends parler tout le temps. Je suis content que les gens la regardent encore, y pensent et y soient connectés. Et de souligner : C'est incroyable que le film ait encore un tel impact."
Darren Aronofsky nous a confié quelques uns des retours plus insolites qu'il a reçu au fil du temps : "J'ai rencontré des gens qui sont allés le voir lors d'un premier rendez-vous et qui ont fini par se marier. S'ils ont pu rester ensemble après ce film, ils pouvaient tout surmonter !
Beaucoup de gens m'ont dit que Requiem était leur film préféré, mais qu'ils ne voulaient plus jamais le revoir. J'ai aussi entendu dire que c'était le pire film pour un premier rendez-vous !", se souvient-il en souriant.
Des gens m'ont dit que c'était leur film préféré mais qu'ils ne voulaient plus jamais le revoir
Le film a donc eu un impact fort, mais son propos sur les addictions a-t-il lui aussi eu un effet, au-delà du cinéma. Concrètement, des spectateurs lui ont-ils dit qu'ils avaient évité ou arrêté la drogue après avoir vu ce film ?
"Oui, beaucoup, beaucoup, beaucoup. Ça arrive tout le temps qu'on me le dise. Hubert Selby Jr. (l'auteur à l'origine du livre que Requiem For A Dream adapte, Ndlr.) était quelqu'un qui a consacré sa vie à aider les gens à se sevrer de la drogue. Il a été sobre pendant de très nombreuses années. Et puis il a aidé beaucoup de gens. Je pense que quand il a écrit le livre, c'était ce genre de chose."
Darren Aronofsky poursuit à notre micro : "J'ai rencontré beaucoup de toxicomanes qui étaient vraiment très loin de tout et qui ont vu le film, ce qui les a ramenés sur le droit chemin et leur a sauvé la vie."
Requiem For A Dream avait été présenté au Festival de Cannes, hors compétition. Le film y avait reçu un très bel accueil. 25 ans après, le film est donc à redécouvrir au cinéma et en DVD / Blu-Ray dans une nouvelle édition, restauré en 4K.