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    "Je vous trouve très beau" : rencontre avec Isabelle Mergault

    Passée à la réalisation, la truculente Isabelle Mergault s'est confiée en toute franchise et sans langue de bois sur l'émouvant "Je vous trouve très beau", en salles ce 11 janvier. Impressions d'une apprentie-cinéaste...

    Vous n'étiez pas vraiment partante pour réaliser ce film. Qu'est-ce qui vous a fait changer d'avis ?

    Isabelle Mergault : Quand j'ai écrit ce scénario, ce n'était au départ qu'un scénario de plus. Après lecture, Michel Blanc et Jean-Louis Livi, le producteur, m'ont proposé de le réaliser. Ils m'ont dit : "Tu devrais le faire, c'est ton univers. Si un autre réalisateur s'en empare, il va se l'approprier, le modeler à sa façon." Je leur ai répondu que ce n'était pas mon métier, que je ne voulais pas être vue comme un imposteur dans cette profession. A la même période, je jouais sur scène dans la pièce La Presse est unanime avec la bande à Ruquier. Je leur ai raconté cette anecdote et tous m'ont dit que j'étais folle, que c'était formidable ce qu'on me proposait et que je devais accepter. J'ai alors appelé Jean-Louis Livi, qui recherchait déjà des metteurs en scène, et je lui ai dit : "Si vous m'entourez bien - un conseiller technique, un super chef-op' -, je veux bien le faire." Il m'a donné ce que je lui demandais et c'est comme ça que c'est parti.

    Quel autre réalisateur que vous aurait pu transposer le plus fidèlement possible à l'écran votre scénario ?

    Patrice Leconte, parce que même si ses films sont plus ou moins bons et marchent plus ou moins bien, avec lui tout est toujours juste. Il sait très bien diriger les comédiens, il ne fait pas d'erreurs de casting, il a une vraie sensibilité et en plus, il a, ce que je n'ai pas et ce que je n'aurai jamais, un vrai sens de l'image. C'est un grand réalisateur, il sait filmer. Moi, j'ai juste mis en images mon scénario. On ne dira jamais de ce film : "Mon Dieu, mais une réalisatrice est née !" C'est impossible, car je n'ai pas le sens de l'image. Lui, il a les deux, il a le côté humain, la tendresse que je pense avoir aussi et, avec la caméra, il fait des choses sans ostentation.

    Vous sentez-vous aujourd'hui l'âme d'une réalisatrice ?

    Je ne sais pas. C'est par accident que je me suis lancée dans la réalisation. Si on me proposait de mettre en scène un film que je n'ai pas écrit, pour rien au monde je le ferai. Y'en a qui sont des passionnés de l'image. Moi, je suis plutôt une passionnée d'humour, de visages, d'acteurs. L'image, c'est un domaine auquel je suis très sensible, mais je ne saurai jamais faire des choses extraordinaires à ce niveau. Mon point fort, ça reste le scénar'.

    De quels matériaux êtes-vous partie pour écrire le scénario ?

    J'avais vu un super reportage dans l'émission Des racines et des ailes où on voyait un type qui partait en Biélorussie à la recherche de l'âme soeur, car il ne la trouvait pas en France. Les jeunes femmes biélorusses, pour leur part, étaient prêtes à suivre n'importe qui pour pouvoir sortir de la misère dans laquelle elles étaient, misère pas seulement matérielle mais aussi par manque de perspectives pour l'avenir. A partir de là, je me suis dit : au lieu de prendre un mec qui va là-bas pour chercher l'amour, prenons un gars, Aymé Pigrenet, qui va en Roumanie pour du concret, du matériel, pas du tout pour une histoire d'amour.

    Vous partez de deux thèmes sociaux qui sont d'actualité - le célibat et la solitude dans le monde agricole et l'émigration des jeunes femmes d'Europe de l'est prêtes à tout pour changer de vie – pour nous parler finalement de quelque chose de beaucoup plus général...

    Je n'ai surtout pas voulu traiter du désespoir des femmes roumaines et dépeindre le monde agricole, parce que je ne me sentais pas autorisée à le faire. Je ne me suis pas aventurée dans ces domaines que je connais trop peu. J'ai préféré les laisser en toile de fond pour parler de quelque chose de plus universel : l'amour, les sentiments, la solitude, les rapports humains. Ca, je connais.

    Pour un premier film, l'investissement personnel et la pression doivent être énormes...

    L'investissement est énorme comme pour tout réalisateur qui aime bien ce qu'il fait, qui chapote tout du début à la fin. Je n'ai pas ressenti de réelle pression pour la simple raison que je ne voulais pas réaliser ce film. Sur le tournage, j'obtenais tout ce que je souhaitais, sinon je me retirais du jeu. Quand vous n'êtes pas "demandeur", et bien les choses sont beaucoup plus cools. L'enjeu en est presque moins fort.

    Vous avez apporté beaucoup de votre sensibilité dans ce film... L'envie de montrer une nouvelle facette de vous-même au grand public qui vous connaît essentiellement pour votre côté déjanté et sexy ?

    Non, je ne crois pas que les gens, en voyant mon film, vont se dire : "Et bien, je ne savais pas qu'Isabelle Mergault pouvait avoir des sentiments." En tout cas, je ne me suis pas dit que j'allais écrire ce film pour que les gens se disent ça. Tous les scénarios que j'ai écrits, y compris celui de Meilleur espoir féminin, sont dans la même veine. Ceux qui me connaissent m'ont dit que ce film me ressemblait. Et puis, les gens ne sont pas idiots, ils savent qu'il y a des moments où je suis drôle et des moments où je suis de mauvais poil. Je n'ai rien à cacher. En revanche, je trouve ça formidable d'être pudique au point de ne rien montrer de ses sentiments, d'être drôle du début à la fin comme Valérie Lemercier, pour qui j'ai une grande admiration. Elle me fait rire, elle ne montre rien et en même temps on devine bien que c'est une fille qui n'est pas idiote. Son film - Palais royal ! - est formidable, parce qu'on rit du début à la fin. Elle n'a pas l'impudeur ou l'égocentrisme que je peux avoir à mettre du sentiment. Nous sommes complètement différentes, j'aimerais être comme elle, mais je ne peux pas.

    Aviez-vous déjà en tête le nom de Michel Blanc durant l'écriture du scénario ?

    Oui, j'ai écrit le rôle pour lui, je lui ai fait un costume sur mesure. Je le voyais déjà sur son tracteur. J'ai été très contente quand il a accepté de jouer dans ce film, et en même temps, et ce n'est pas prétentieux de ma part, je n'étais pas étonnée puisque dans ma naïveté j'avais pensé à lui du début à la fin. C'est quelqu'un qui m'inspire énormément, et c'est formidable de vivre trois mois avec lui dans la tête.

    Comment dirige-t-on Michel Blanc ?

    Michel Blanc est très travailleur. Il apprend son texte par coeur pour pouvoir le dire sans y penser. On pourrait croire qu'il sort les choses très simplement, alors qu'en fait il y a énormément de travail derrière tout ça. Je n'ai pas eu à le diriger, je ne lui ai jamais fait faire des choses qui ne lui correspondaient pas. Ma direction d'acteur s'est faite dans l'écriture. La seule chose que je l'ai forcé à faire, c'est d'être assez posé, parce que dans ses films il est toujours un peu excité, de sourire souvent, parce qu'il a un sourire adorable, et de retrousser les manches de sa chemise, parce que je trouve ça très sexy. Vous avez pu voir qu'il s'était vachement étoffé, il n'a pas plus rien à voir avec le Michel Blanc gringalet que l'on connaît. Je lui disais : "Fais-moi confiance, je veux que toutes les femmes aient envie d'être dans tes bras." Il a alors ouvert sa chemise sur son torse et on est toutes tombées sous son charme. On ne lui a pas donné souvent ce type de rôle. Dans ce film, il est carrément séduisant. Ca, c'est moi qui l'ait amené là, sinon on ne dirige pas de très bons acteurs qui connaissent leur texte.

    Lui, qui s'y connaît en mise en scène, vous a-t-il conseillée ?

    Il a dit que sur ce film-là il voulait se comporter comme un "con d'acteur". J'avais des assistants autour de moi, je n'avais rien à lui demander, mais je voyais dans son regard, quand je préparais certaines scènes, que j'allais faire une connerie. Très gentiment, il venait alors me dire - et il avait raison - : "Ecoute, si tu tournes cette scène de cette façon, on ne va pas pouvoir la monter." Alors, on arrêtait tout et je lui demandais ce qu'il fallait faire. Et c'est là qu'il sortait de son rôle de con d'acteur et qu'il me disait : "Si j'étais toi, je ferai ça et ça". Et je n'avais qu'à acquiescer. A partir du moment où j'ai décidé de faire ce film, et il m'y a poussé, Michel a été d'une bienveillance exemplaire, il était là dans son coin comme un petit ange, il ne s'attendait pas du tout à ce que je me plante.

    Comment s'est imposé le choix de l'actrice roumaine Medeea Marinescu ?

    J'ai procédé à un casting de jeunes femmes, des comédiennes et des mannequins. Il y en avait quelques-unes qui étaient bien et à qui j'ai fait faire des essais. Et je suis tombé sur Medeea, qui ne parlait pas un mot de français. Elle a appris son texte en phonétique et s'est montrée bouleversante. C'est impressionnant, ça remet en cause beaucoup de déclarations d'acteurs qui disent qu'ils ont besoin de se plonger dans leur rôle pour pouvoir le jouer. Le seul problème, c'est qu'on ne pouvait pas changer un mot du texte, car elle avait tout appris par coeur. Elle comprenait tout de même ce qu'on lui disait, car on le lui avait traduit. A force de nous fréquenter, elle a même appris quelques rudiments de français. Mais ce qui m'a réellement persuadée de la prendre, c'est quand elle a joué cette scène émouvante en roumain où elle est seule dans une cabine téléphonique et appelle sa fille. Je l'ai montrée à des personnes qui n'avaient jamais lu le script. Ils avaient les larmes aux yeux sans comprendre ce qu'elle disait, car il y avait quelque chose qui se dégageait d'elle.

    La scène de la farandole des chaises rappelle beaucoup celle de "La Grande vadrouille"... Etait-ce un choix délibéré de votre part ?

    Cette scène m'a causé beaucoup de tracas. Je l'avais écrite en ne pensant pas du tout à ce film. Et puis on m'a dit : "C'est comme dans La Grande vadrouille !" S'il y a bien quelque chose dont j'ai horreur, c'est de pomper. D'ailleurs, je ne reprends jamais des éléments de mes propres scénarios pour les insérer dans un autre film. Je ne pourrais pas me regarder en face. Et là, ça m'a angoissé. On m'a dit : "Ne t'inquiète pas ! C'est quand même pas pareil..." J'ai vraiment voulu changer cette scène, mais je n'ai pas pu, je n'ai rien trouvé pour la remplacer.

    Vous effectuez un caméo dans votre film. Où vous trouvez-vous ? Et pourquoi ne vous voit-on pas plus souvent en tant qu'actrice ?

    Faut lancer un jeu : où suis-je dans le film ? Comme dans la bande dessinée Où est Charlie ? C'est un petit personnage qui est noyé parmi les autres et il faut le trouver. Je ne sais pas ce qu'on gagnera (rires). Sinon, je n'aime pas me voir à l'écran. J'adore être sur scène, mais je déteste jouer la comédie devant une caméra. Je l'ai fait, car c'était une façon de gagner de l'argent et que c'était beaucoup plus agréable que d'être caissière ou secrétaire, ce que j'ai d'ailleurs fait. Je me suis aperçue qu'en tournant je pouvais gagner en une journée ce que je gagnais normalement en un mois.

    Propos recueillis par Guillaume Martin le 21 décembre 2005

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