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    Une équipe de rêve : rencontre avec Jaiyah, footballeur transgenre
    Clément Cuyer
    Clément Cuyer
    -Journaliste
    Clément Cuyer apprécie tous les genres, du bon film d’horreur qui tâche à la comédie potache. Il est un "vieux de la vieille" d’AlloCiné, journaliste au sein de la Rédaction depuis maintenant plus de deux décennies passionnées. "Trop vieux pour ces conneries" ? Ô grand jamais !

    Rencontre avec Jaiyah Saelua, vedette du documentaire Une équipe de rêve et première personne transgenre à avoir joué un match de qualifications de la Coupe du Monde de football.

    Bodega Films

    Elle est née garçon, mais elle a été élevée comme une fille. Elle est une "fa'afafine". Membre de l'équipe de football des Samoa américaines, elle présente la particularité d'être la première personne transgenre à avoir joué un match de qualifications de la Coupe du Monde de football, en 2011. Rencontre avec Jaiyah Saelua, vedette de l'étonnant documentaire Une équipe de rêve, en salles cette semaine, qui raconte l'incroyable histoire d'une formation du bout du monde prête à tout pour obtenir, enfin, sa première victoire internationale.

    Vous êtes une "fa'afafine". Qu'est-ce que cela signifie ?

    Jaiyah Saelua : C'est quelque chose de spécifique à la culture samoanne en Polynésie. Quand il y a trop de garçons dans une famille, certains sont choisis à leur naissance pour être éduqués comme des filles. Les personnes transgenres font partie intégrante de cette culture. Elles sont très respectées, ont autant d'opportunités que les autres de vivre de leur passion.

    Votre passion à vous, c'est le football. Comment cet amour du ballon rond est-il né ?

    J'ai commencé à jouer quand j'avais onze ans. Mon école privée élémentaire proposait d'intégrer une compétition entre établissements privés. On a gagné la première édition de ce championnat et j'ai été sacrée meilleur joueur. C'est ce qui m'a fait réaliser que le football était peut-être un sport pour moi. Tout a commencé ainsi.

    Avez-vous souffert de discrimination ?

    Aux Samoa, en dehors des terrains de foot, absolument pas. Les personnes transgenres sont acceptées. Ensuite, avec le foot, c'est autre chose. Ma première expérience de discrimination, c'était à l'Université d'Hawaï. Je n'ai même pas eu droit à une période d'essai pour jouer avec l'équipe masculine, le coach ne voulait pas mettre les joueurs dans une "position inconfortable". Ensuite, quand j'ai pu jouer, sur le terrain, on se moquait de moi, on m'insultait. Mais vous pouvez me faire confiance : plus on me cherchait, plus je répondais. Je ne parlais pas, je répondais en les taclant ! (rires) Je joue en défense, vous savez ! Leur répondre ainsi, c'est la meilleure des réponses, c'est le moyen de les confronter à leurs préjugés.

    Sur le terrain, vous vous sentez comme un homme ou une femme ?

    Sur le terrain, je mets tout de côté, je mets même de côté le fait que je suis une "fa'afafine". Je joue juste pour représenter 65 000 personnes de ma population. Je joue aussi et surtout pour ma famille, pour les types qui sont avec moi sur le terrain. J'essaie juste de faire de mon mieux. Homme, femme, "fa'afafine", non, je suis juste une personne importante de l'équipe. Et je crois que c'est ce qui devrait compter.

    Bodega Films

    AlloCiné : En tant que transgenre, vous sentez-vous comme un symbole ?

    Oui, je me sens un peu comme un symbole. Depuis 2011, depuis que j'ai eu ce titre de première personne transgenre à avoir joué un match de qualifications pour la Coupe du Monde. Au début, je ne voulais pas être ce symbole, je sais que de nombreux pays dans le monde n'ont pas de respect pour les transgenres. Mais en sachant que j'étais la seule, à un si haut niveau, je me suis sentie investie, je pouvais être une voix pour de potentiels athlètes transgenres.

    AlloCiné : Vous avez participé à la première victoire des Samoa américaines en compétition officielle, plusieurs années après que votre pays ait subi une défaite historique contre l'Australie, sur le score de 31-0. Quel souvenir gardez-vous de ce succès ?

    Ca me donne des frissons rien que d'y penser. C'est le plus beau jour de ma vie, pas seulement en terme de carrière, mais dans ma vie entière. J'étais tellement heureuse. Il y avait ce sentiment d'accomplissement, que l'on soit finalement reconnus comme des gagnants après avoir été humiliés année après année, tournoi après tournoi. Nous étions proches avant la victoire, mais celle-ci a scellé notre relation. Je pense à mes coéquipiers tout le temps.

    Vous allez jouer les qualifications pour la Coupe du Monde 2018 en Russie. Et après ?

    L'entraînement pour la Coupe du Monde 2018 commence en juin, la compétition débute en septembre. Ce sera mon dernier tournoi, car plus je vieillis, plus ma transition sera compliquée. Je finirai ma transition après ces matchs, si on ne se qualifie pour le tour suivant. Par la suite, j'ai envie de rester dans le monde du footbal, de travailler pour le développement du foot aux Samoas américaines. Travailler avec la fédération, contre la discrimination, pour l'égalité des transgenres dans le sport.

    Propos recueillis par Clément Cuyer

    Jaiyah se présente en images :

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