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    Un amour impossible : "Cette femme n'est pas une victime, elle se relève tout le temps"
    Brigitte Baronnet
    Passionnée par le cinéma français, adorant arpenter les festivals, elle est journaliste pour AlloCiné depuis 12 ans. Elle anime le podcast Spotlight.

    "Un amour impossible", avec Virginie Efira et Niels Schneider, adapté du roman de Christine Angot, sort sur grand écran ce mercredi. Rencontre avec sa réalisatrice Catherine Corsini.

    AlloCiné : Comment décririez vous cette héroine qui n’est pas forcément celle que l’on s’imagine d’une romance débutant fin des années 50…

    Catherine Corsini, réalisatrice d'Un amour impossible : Ce qui m’a intéressé dans le roman, et ce qui m’a beaucoup plu avec le personnage de Rachel (Virginie Efira), c’est que ce n’est pas une victime. C’est une femme qui prend des coups dans la gueule mais qui se relève tout le temps, qui a beaucoup d’intelligence instinctive, qui a de la réserve, qui a beaucoup de dignité. Ce que j’ai trouvé formidable, c’est que malgré cette rencontre avec cet homme dont elle est éperdument amoureuse et qui va se révéler être un grand pervers, elle réussit à chaque fois à encaisser et à se tenir debout.

    Ce qui a été aussi assez magique, c’est la façon dont Virginie Efira a incarné ce personnage parce qu’elle n’a pas du tout essayé de tirer la couverture à elle ou de faire un numéro. Elle s’est glissée, dans le roman qu’elle connaissait vraiment bien, dont elle avait compris toutes les aspérités, dans ce personnage, en gardant cette réserve, ce côté par moment opaque.

    Parce qu’on se dit, comment peut-elle faire pour résister ? C’est pour ça que cette femme est une héroïne. Ce n’est pas du Zola, ce n’est pas quelqu’un qui va se vautrer dans la douleur, ou qui va être complètement écrasé. Elle est portée par une croyance car elle sait que cet enfant est quand même un enfant de l’amour avec cet homme. Elle ne veut pas qu’on lui ôte ça. Lui va tout faire pour massacrer ce en quoi elle croit.

    Il y aussi le fait qu’elle veut donner à sa fille toute la place qu’elle n’a pas réussi à avoir. C’est une espèce de transmission de ce qu’elle n’a pas pu recevoir dans la vie. Ce personnage va créer toute la dramaturgie du film, c’est à dire celui de l’amant, du père, de l’amoureux, qui est vraiment l’obstacle tout le temps et qui créé la tension dramatique. C’est en ça qu’en lisant le roman, je me suis dit qu’il y avait vraiment un scénario, une histoire à créer, avec ce personnage qui créé tout le temps de la tension. Rachel est aussi extrêmement surprenante, puis le rôle de la petite fille qui grandit, et qui va devenir aussi l’héroïne du film avec Rachel. 

    Stephanie Branchu / Chaz Productions

    Il y a aussi un discours social et politique…

    Le discours social et politique, c’est le discours que tient Christine Angot : ce n’est pas qu’une histoire personnelle. C’est une histoire qui raconte la lutte des classes, qui raconte comment cet homme de là où il est ne peut pas accepter que quelqu’un qui est inférieur à lui puisse avoir son nom. Assez vite, il dit : si tu avais eu de l’argent, je t’aurai épousé, mais tu n’as pas d’argent… 

    Ce qui est très beau dans le film, c’est la sensualité. Votre façon de filmer la peau, la sexualité… Ce qui est intéressant est qu’elle n’a peut être pas la sexualité qu’on s’imagine d’une femme dans les années 50-60…Etait-ce déjà présent dans le roman ou est-ce vous qui avez souhaité apporté ce regard plus moderne ?

    C’est tout le travail d’adaptation, de réflexion, d’imagination par rapport au matériau que j’ai eu. En travaillant sur ce texte, ces personnages, Rachel qui reste aussi un mystère pour moi, j’ai trouvé que c’était une femme moderne. Elle a un comportement moderne pour l’époque qui assume d’avoir un enfant aux yeux de tout le monde alors que c’est une paria d’avoir un enfant sans mari. C’est quelque chose qui était très compliqué et très peu admis. Je pense qu’il y avait quelque chose qui était mystérieux et que j’ai essayé moi-même de rendre compte par la sensualité, par la sexualité, par quelque chose qui les lie d’une manière très intime.

    Mais c’est aussi quelque chose auquel l’auteur, Christine Angot, n’a pas assisté. Je ne sais pas ce que sa mère a pu lui révéler. Mais en tout cas, c’est quelque chose qui reste du domaine de la projection. Le personnage de Philippe est aussi hors des sentiers battus, il n’est pas conventionnel. C’est ça qu’elle aime chez lui. Il a un côté intellectuel. L’imaginaire, c’était le grand amour, l’amour absolu. Rachel a à la fois cette candeur et cette intelligence. Elle se dit : je suis avec quelqu’un de particulier donc j’ai envie d’accéder au mystère de cet homme.

    Stephanie Branchu / Chaz Productions

    Quelle a été l'implication de Christine Angot ?

    Je l’ai rencontrée. Elle avait, je crois, d’autres propositions. Elle a choisi de me faire confiance. Elle a lu le scénario une fois qu’il était terminé, et c’est tout. Par contre, je lui ai demandé le mail de sa mère. Je ne voulais pas la rencontrer parce que je ne voulais pas savoir même comment elle était. Je ne voulais pas que son image brouille mon travail avec Viriginie Efira, et que je demande à Virginie de ressembler ou ci ou ça. Je voulais communiquer avec elle par mail. Ce qu’elle a fait avec une extrême gentillesse et courtoisie pour parfois lui demander des détails par rapport à sa vie. Des choses qui étaient évoquées dans le roman mais qui manquait un tout petit peu de concret.

    On a eu un échange magnifique avec cette femme d’une grande dignité. Ensuite, le plus beau cadeau est que Christine et sa mère Rachel sont venues voir le film. Elles ont été très contentes. Rachel m’a demandé: mais vous aviez pensé à d’autres actrices que Virginie ? Je lui ai dit : un petit peu, je ne sais pas vraiment. Et elle m’a dit : de toute façon, je ne vois qu’une personne pour jouer ce rôle, c’est Virginie Efira. Donc c’était un très beau compliment.

    Stephanie Branchu / Chaz Productions

    Nous avons évoqué Virginie Efira, mais le choix de Niels Schneider, comment s’est-il fait ?

    Au départ, je ne pensais pas du tout à lui. J’avais pensé à d’autres acteurs qui étaient très angoissés à l’idée de faire ce rôle. J’ai plutôt eu des refus de jouer un père incestueux. Je décris les choses telles qu’elles se sont passées. Je décris son charme, sa séduction. Je ne l’excuse pas. Je montre les faits, sans les montrer. On comprend à travers la jeune fille après les retours de week-end mais on ne voit pas la chose se faire.

    Qui peut avoir un peu plus de courage ou peut être de folie pour ce rôle ? Il fallait trouver quelqu’un qui ait la jeunesse du rôle car il avait 30 ans quand ils se sont rencontrés. Mais surtout quelqu’un qui n’ait pas une carrière, si je fais-ci, si je fais-ça, etc. Donc j’ai rencontré Niels. Je me suis demandé s’il n’était pas trop jeune. J’ai fait des essais avec lui et Virginie. J’ai été complètement sous le charme. J’ai trouvé qu’il avait tout compris, qu’il avait l’intelligence de pouvoir jouer ce qu’appelle Hannah Arendt "la banalité du mal". C’est-à-dire, à travers quelqu’un de particulier, qui sûrement se la pète un petit peu, mais qui est en même temps une espèce d’intellectuel, une intelligence assez particulière (il connaît 30 langues).

    Il est arrivé à jouer à la fois l’élégance du personnage, son côté sombre, son côté irascible par moment, et en même temps, cette perversion sous-jacente, ce rapport de classe, cette violence... Comme souvent, les rôles de salauds, d’ordures, de gens terrifiants sont des rôles très attractifs pour les acteurs, car malgré tout, il faut aller chercher des choses assez cruelles, assez dures. Aller gratter l’âme humaine quand on est un acteur, je pense que c’est quelque chose d’assez fascinant et d’assez intéressant. Je pense que Niels a cette curiosité. 

    Un amour impossible - Niels Schneider : "Il y a une part de ce personnage qui m'échappe" 

     

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