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    Riverdale et Esprits Criminels flirtent avec l'actualité sur le Momo Challenge

    Alors que l'actualité consacre de plus en plus d'attention au phénomène du Momo Challenge, les séries américaines traitent plus ou moins directement du sujet.

    DR

    What’s Up Momo ?

    Depuis mi-octobre, médias comme autorités mettent en garde le public contre les dangers du Momo Challenge. Ce jeu viral qui aurait trouvé naissance sur l’application de messagerie WhatsApp consiste à prendre contact avec l’entité Momo (des numéros de téléphones se baladent sur les réseaux sociaux) pour se voir adresser des défis. Chacun d’entres eux devient plus dangereux que le précédent, jusqu’à mettre en péril la vie du joueur, le dernier niveau consisterait à se suicider.

    Cependant, si des journaux ont déjà pu reporter des cas de suicides adolescents (notamment une fille de 12 ans en Argentine), il n’existe aucune preuve de l’influence directe du jeu sur le destin tragique. Pour la Youtubeuse Reignbot, spécialisée dans le décryptage de tout ce que le net compte de glauque, le Momo Challenge est un hoax destiné à faire peur aux adultes. D’après elle, beaucoup rapportent ce que le jeu aurait poussé à faire mais personne n’a pu livrer de preuves concrètes. Le tech-journaliste Larry Magid s’est également exprimé sur twitter, supposant une supercherie. Les cas s’exposent de plus en plus sur les sites d’information, jusqu’au moment où il devient difficile de trier entre le fantasme et la réalité. Et c’est à cet instant, où le sujet est suffisamment répandu, qu’Hollywood et plus particulièrement les séries, s’emparent de la thématique.

    Riverdale, le Griffons etGargouilles Challenge ?

    Difficile en effet de ne pas voir dans l’une des intrigues principales de Riverdale, un rapport même indirect, avec le challenge maudit. Dans la série adolescente, la menace prend la forme d’un jeu de rôle plus traditionnel (type Donjons et Dragons). Sa mécanique pousserait les adolescents à se déconnecter de plus en plus de la réalité, jusqu’à se mettre en danger et être poussés au suicide. Toute ressemblance…

    Seulement dans Riverdale, l’épisode The Midnight Club (3x04) semble avoir quelque peu dévié de sa cible principale. Un épisode conçu par des adultes… pour des adultes, avec une vision très caricaturale sur les dangers d’un jeu. L’épisode, qui reprend la trame de Breakfast Club de John Hughes (long flash-back sur les parents des héros, devenant amis malgré eux à l’issue d’une retenue) montre, sans grande subtilité, comment Griffons et Gargouilles a pu conduire toute l’adolescence au bord du drame. Et de voir ensuite, Jughead, exprimer toutes les caractéristiques de l’addiction (propos incohérents, déconnection avec la réalité, regard hagard).

    Katie Yu/ The CW

    Avec The Midnight Club, Riverdale verse plus dans le sensationnalisme à la Zone Interdite que dans la mise en garde. Outre le fait de perpétuer une image uniformément négative autour de la pratique d’un jeu, elle pose un discours rétrograde et peu en phase avec son époque. Si la question des dangers de la consommation excessive de jeux (vidéo ou autres) est réelle (l’Institut Fédératif des Addictions Comportementales a communiqué sur le sujet), cette posture un peu réactionnaire ressemble aux élans puritains qui accompagnaient certains films d’horreur des années 80 (ceux où les jeunes vierges, qui ne buvaient pas ou ne se droguaient pas, étaient épargné·e·s)

    Du Blue Whale à Momo dans les séries

    Plus étonnement, c’est sur CBS (chaîne américaine réputée pour ses séries destinées à un public plus âgé que Riverdale et CW), que l’on trouve une lecture, sinon nuancée, moins alarmiste et culpabilisante. Esprits Criminels, saison 14, épisode 5 (diffusion à venir sur TF1), exprime à travers le Tall Man, les dangers que pose la suggestion, quand elle s’exerce sur une jeunesse très influençable. Ici, le jeu prend la forme d’une manipulation opérée par un adulte sur de jeunes adolescentes, dans une mécanique qui rappelle un peu le Momo Challenge. Avec son ton très sombre et toujours caricatural, Esprits Criminels fait finalement mieux sur le terrain de la sensibilisation que Riverdale dont le public se prête pourtant à ce type de message.

    Best Possible Screen Grab/CBS

    En 2015, on ne parlait pas encore du Momo Challenge et de l’image de la femme-oiseau, mais du Blue Whale Challenge au principe similaire : 50 défis à relever auprès d’un tueur, du plus bénin (dessiner une baleine) au plus dangereux (scarification) et létal (suicide). Chose qu’avait traité Les Experts : Cyber dans un épisode diffusé le 25 octobre 2015 aux Etats-Unis. Red Crone explore la mécanique du Blue Whale Challenge (ou Momo Challenge) et, comme Esprits Criminels, trois ans plus tard, pointe les dangers d’une utilisation d’internet sans surveillance, de l’influence des réseaux sociaux (ou d’autres modes de communication) sur la jeunesse et rappelle, avec un côté très hollywoodien grand public, que les conséquences peuvent être dramatiques.

    Légende urbaine et Creepypasta

    Allen Fraser/Syfy

    L’une des forces des productions américaines est d’être capable de s’emparer de sujet d’actualité. Leur système en flux tendu, légèrement différé, permet d’être réactif. Les séries, à travers le Momo Challenge, interrogent sur la difficulté à maîtriser les flux de communication, à séparer le vrai du faux, l’info de l’intox. Car ces jeux dangereux ont fini par dépasser la légende. Leur viralité leur a donné une existence propre, que récupère la pop culture aujourd’hui. Le Blue Whale ou Momo auraient pu figurer sur des sites Creepypasta, plateformes participatives où l’on se raconte des histoires de frousse (et qui a été cité dans de sinistres faits divers). Et de leur répétition/propagation, se crée la légende. Popularisé par le Slender Man (devenu un meme sur internet et bientôt un film) puis la série Channel Zero, qui adapte à chaque saison depuis 2016 des histoires plus ou moins inspirées du site, Creepypasta représente le côté ludique des légendes urbaines, celles qu’une génération se racontait au coin du feu ou sous la couette muni d’une simple lampe de poche. Aujourd’hui, tout se passe sur smartphone. On a peut-être perdu en convivialité mais les histoires sont bien plus flippantes et leurs répercussions dans la réalité bien plus dangereuses et inconscientes. Le Momo Challenge et les séries qui s’y rapportent rappellent combien la pédagogie est nécessaire, et que l’éducation aux images comme aux pratiques des réseaux sociaux, réclament plus de moyens et d’attention.

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