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    Star Wars, Jerry Lewis, Tim Burton... Christopher Walken raconte

    Rencontré à l'occasion du Champs-Elysées film festival, où il est invité d'honneur, Christopher Walken nous a parlé de Jerry Lewis, de Voyage au bout de l'enfer, de Tim Burton et de son aversion pour les armes. Entre autres choses.

    Giancarlo Gorassini/BestImage

    AlloCiné : Pouvez-vous nous raconter comment Jerry Lewis vous a inspiré une carrière dans le show business ?

    Christopher Walken : Après la Seconde Guerre mondiale, la télévision est arrivée, c'était quelque chose d'énorme, d'abord à New York, au Rockefeller Center, il y avait une centaine de shows par semaine et il n'y avait pas l'enregistrement vidéo, il n'y avait que le kinescope, qui permettait d'enregistrer les images qui apparaissaient sur le moniteur, alors tout était en direct. C'était exclusivement des programmes familiaux et ils faisaient appel à beaucoup d'enfants pour les tournages. Jerry Lewis et Dean Martin étaient des stars, j'étais vraiment fan. Je me rappelle l'avoir vu sur scène et avoir été très impressionné par son audace. Je me disais que ça devait être comme voir Laurence Olivier sur scène, dans un autre registre. Il n'avait pas peur du public. Il était comme un animal dans la forêt, il était complètement à l'aise. Des années après, je l'ai rencontré et… avez-vous déjà rencontré Jerry Lewis ? C'est très inhabituel ! C'est vraiment une créature étrange.

    Et vous, aviez-vous peur du public lorsque vous avez débuté ?

    Oh oui, terrifié ! Mais je me suis toujours dit que si je voulais continuer à faire ce métier, je ferais bien de trouver un moyen d'être un peu plus comme Jerry Lewis.

    Voyage au bout de l'enfer est l'un de vos films les plus importants. Est-il vrai que pour la scène de la roulette russe vous vous êtes inspiré de votre enfance, quand vos parents vous envoyaient en colonie de vacances ?

    Dans le film, mon personnage avait le mal du pays. Il était dans un pays étranger et perdu et je me suis rappelé quand mes parents m'envoyaient en camp d'été et ce n'était qu'à une centaine de miles de chez moi, dans les montagnes, mais je devenais très malheureux, déprimé. Je ne savais plus où j'étais, j'aurais tout aussi bien pu être sur une autre planète. C'est vrai, c'est ce à quoi j'ai pensé.

    DR

    Était-ce une scène compliquée à tourner ?

    Non, il n'y avait rien de très dur dans Voyage au bout de l'enfer, car c'était vraiment passionnant. Je n'avais pas encore fait beaucoup de films et j'étais là, avec Michael Cimino, Meryl Streep, Robert De Niro, John Cazale, dans ces endroits fabuleux, les aciéries, puis les forêts magnifiques de l'Ohio, au Nord-Est des Etats-Unis. Et puis la Thaïlande [où ont été tournées les scènes au Vietnam]. J'étais jeune et c'était une expérience incroyable. C'était parfois pénible physiquement, d'être dans la jungle, mais rien de tout cela n'était difficile, vraiment.

    Pouvez-vous nous raconter la projection du film au festival de Berlin en 1979 ?

    Le film était projeté dans un cinéma immense, plein à craquer, et à la fin du film, les gens se sont mis à se crier dessus. Une moitié de la salle contre l'autre, il y avait comme un énorme débat spontané au sujet du film. Je ne suis pas très sûr des raisons pour lesquelles certains étaient énervés, je crois qu'ils disaient que c'était un film anti-communiste, mais en tout cas, on était à deux doigts de l'émeute. Selon les endroits du monde, les publics réagissent très différemment. Par exemple, si vous allez à l'opéra en Italie ou à New York, vous ne vivrez pas du tout la même expérience. En Europe, les gens sont beaucoup plus francs sur ce qu'ils ressentent. Je pense que ce qui s'est passé à Berlin n'aurait pas pu arriver aux Etats-Unis. 

    Carlotta Films

    Tout le monde sait que le tournage de La Porte du Paradis, de Michael Cimino, a rencontré énormément de problèmes. De votre point de vue, c'était compliqué aussi ?

    Non, pas du tout. Cela a duré longtemps, mais on était dans cet endroit qui ressemblait littéralement au paradis, à Glacier Park, dans le Montana, un des plus purs et des plus beaux endroits du monde. On y a passé huit mois et c'était un peu comme vivre au paradis. On avait tous l'impression qu'on tournait Autant en emporte le vent, et puis le film est sorti... Mais je crois que le scandale était surtout lié à l'agent, au fait que ça ait pris si longtemps et que ça ait coûté si cher, mais vous savez ce que ça a vraiment coûté ? 38 millions de dollars. C'est beaucoup d'argent, mais ce n'est rien comparé aux centaines de millions de dollars qu'on dépense maintenant dans certains films, pourtant le studio [United Artists] a fait faillite. C'est dommage, car c'est un excellent film ! 

    Il paraît que vous étiez le second choix de George Lucas pour interpréter Han Solo ?

    Non, en fait, c'est un mythe ! J'ai passé l'audition pour Star Wars, mais c'était aussi le cas de cinq cents autres personnes. Je n'étais pas son deuxième choix, j'ai juste fait partie des nombreux acteurs qui n'ont pas été retenus !

    Pouvez-vous nous parler de cette scène incroyable avec Dennis Hopper dans True Romance ?

    On l'a tournée en un jour, dans une pièce, avec deux caméras. Quand on a eu fini, Dennis, que je connaissais un peu, m'a dit : "Tu sais, on a tourné une super scène aujourd'hui." Je lui ai répondu : "Oui, j'ai une bonne impression." Alors il m'a proposé d'aller dîner ! Et c'était une très bonne scène. 

    DR

    Et comment s'est passée votre collaboration avec Tim Burton, dans Batman le défi et dans Sleepy Hollow ?

    Je le connais peu, mais travailler avec lui, c'était génial. C'est un génie, j'adore tous ses films, il a un univers visuel unique, mais je ne crois pas que les gens réalisent à quel point il comprend les acteurs. Dans Batman, j'avais une scène où je parlais de ma femme - on sait que mon personnage a une femme, mais on ne sait pas ce qui lui est arrivé - et on allait filmer la scène, mais je ne comprenais pas du tout de quoi je parlais. On était dans un énorme studio et il m'a dit de venir avec lui. On est sortis et on s'est assis à la lumière du jour et il m'a parlé pendant environ deux minutes, on est retournés à l'intérieur pour tourner la scène et je comprenais parfaitement de quoi il retournait. Tim Burton est très, très intelligent. 

    Que pensez-vous d'Hollywood aujourd'hui ?

    Avant, on faisait énormément de films, des centaines, même si une grosse partie d'entre eux n'étaient vus que par une poignée de gens. Aujourd'hui, beaucoup de petits films ne peuvent être produits car on préfère dépenser des centaines de millions dans un seul film. Ce sont certes des films qui rapportent beaucoup, mais je remarque que quand je vais au cinéma, il n'y a plus que deux ou trois choix entre ces énormes blockbusters. Quand j'étais jeune, quand la télévision était à ses débuts, il y avait des dizaines de cinémas à New York - ceux qu'on voit dans les films de Woody Allen - qui montraient toutes sortes de film : on pouvait voir des films russes, des films de Fellini, des films français, des comédies anglaises, des films indépendants américains... Maintenant, on ne retrouve cette diversité qu'à la télévision : toutes ces séries, Netflix, avec d'excellents acteurs, de très bons scripts. Ca existe toujours, mais les gens ne vont pas les voir au cinéma. Le changement, c'est inévitable après tout, c'est la vie. 

    Vous avez toujours une aversion pour les armes ?

    Bien sûr, en Amérique il y a beaucoup trop d'armes, c'est un fait ! C'est ridicule ! Dans les films, c'est factice, donc ça ne me gêne pas, mais la réalité des armes aux Etats-Unis est une absurdité totale. 

    Y a-t-il un film français qui vous tient particulièrement à coeur en tant que spectateur ?

    J'ai grandi avec ces films, il y en a tellement, mais l'autre jour, j'ai revu Plein Soleil, avec Alain Delon. C'est extraordinaire. C'est très effrayant, la fin est terrifiante. 

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